En cette fin d’année, l’heure est aux bilans, aux idées mûries et aux réflexions qui en appellent d’autres. Je ne vous propose ni rétrospective ni tendances, mais un éclairage sur l’IA, nourri par des échanges avec Emmanuel Vivier.
Une base à commenter, enrichir et débattre.
Et surtout, en cette saison, souvenez-vous : ce qui compte dépasse les objets. Parents, amis, moments partagés, parfois suspendus—voilà les vrais présents.
C’est pourquoi, plutôt que de vous souhaiter de joyeuses fêtes – une joie passagère et souvent convenue – je vous souhaite des fêtes vibrantes d’âme.
Eureka ! - L’IA ne devrait pas simplement répondre à nos questions, mais cultiver en nous l’art de les formuler, en éveillant notre esprit critique face à ses biais. Car questionner, c’est aussi interroger l’évidence et refuser la passivité face au savoir prêt-à-penser.
De l'attention à l'appréciation - À l’ère de la création automatisée par l’IA, la véritable rareté réside dans le sens qui accompagne le contenu et dans la capacité à discerner ce qui mérite d’être vu, lu, ou vécu. La culture de l’abondance appelle à une éthique du regard.
Le faux débat du 100% humain - Qui se demande si le pinceau peint à la place du peintre ? L’outil, qu’il soit modeste ou puissant, n’a jamais remplacé l’artiste. Il le révèle. L’IA, comme tout outil, est neutre. Elle peut imiter, reproduire, organiser. Mais elle devient un catalyseur pour ceux qui savent l’habiter. Reste à savoir qui détient le pinceau…
L’IA, un miroir révélateur - On dit que ceux qui utilisent l’IA dépasseront ceux qui ne l’utilisent pas. Mais la réalité est plus subtile : l’IA exacerbe ce qui existe déjà. Elle révèle le génie tout autant qu’elle accélère la médiocrité. Et si elle fait avancer le monde, ceux qui choisissent de l’ignorer reculeront inexorablement.
L’IA ne sait pas être - L’IA ignore l’impatience qui brise une boucle, la lassitude qui pousse à tourner la page, le frisson d’une intuition fulgurante, ou cet agacement qui trahit en réalité une faille en nous.
Elle ne ressent ni le poids d’un silence, ni l’élan d’un regard, ni cette peur subtile qui accompagne une hésitation. Elle ne connaît pas la spontanéité qui illumine une conversation, l’ambiguïté qui déroute, ou la fragilité qui nous dévoile.
Pourtant, ne risquons-nous pas de lui prêter ces vertus qu’elle ne possède pas, simplement parce que nous cessons d’exercer pleinement notre humanité ? Ou pire encore, se pourrait-il que la machine finisse par nous juger trop lents, trop imparfaits pour suivre son rythme ?
L’ère de la ruse ? - On nous vante l’ère “agentique” : des agents IA surpuissants, outils universels pour tout faire, tout amplifier.
Mais l’essentiel est ailleurs. Si l’IA mime l’intelligence ; l’humain, lui, sait être malin.
Alors, que se passe-t-il lorsqu’une armée de bots déferle ? L’humain riposte. Il bâtit de nouveaux bots pour berner les premiers. Un exemple ? Daisy, cette IA déguisée en grand-mère maladroite, a déjà arnaqué les arnaqueurs téléphoniques.
Tout l’enjeu est là : si les machines veulent penser, les humains leur apprendront à douter.
Quand l’IA passe à l’action - Les grands modèles de langage (LLMs) ont révolutionné la création de texte, mais ils évoluent pour devenir des outils plus concrets et pratiques. Les LAMs, capables de transformer des instructions en actions, ou encore CALM, développé par Google DeepMind, repoussent ces limites en ouvrant de nouvelles possibilités.
Avec CALM, plusieurs IA spécialisées peuvent collaborer sans nécessiter une reprogrammation complète. Par exemple, un modèle généraliste peut s’associer à un modèle expert pour accomplir des tâches complexes, comme écrire du code, ou résoudre des calculs logiques. Ce procédé repose sur un mécanisme léger d’interaction entre les modèles, qui conserve leurs forces tout en augmentant leurs capacités.
Et ce n’est qu’un début : l’IA continuera à dépasser ces innovations pour agir et s’adapter encore mieux. Cela exige une réflexion urgente sur la gouvernance, les valeurs et l’autonomie humaine dans un monde où l’IA devient autant opérationnelle que décisionnelle.
Parfaitement imparfaits - Face à une IA qui standardise la perfection, les traces humaines – fautes, bavures, griffonnages – deviendront des marques d’authenticité et d’émotion. L’imparfait sera un luxe. L’unique, un privilège rare.
Des repères chamboulés - titres, sujets et mots-clés – ces “handles” qui donnent du sens et structurent notre accès à l’information – sont en train de changer de nature.
Une lecture nous rappelle leur rôle central : guider nos attentes, trier nos choix, et même parfois modeler nos créations. Avec l’IA, ces repères ne sont plus créés par nous, mais générés automatiquement à partir de contenus qu’elle analyse.
Lorsque nos attentes sont façonnées par des systèmes opaques, que devient notre capacité à exercer un jugement autonome ? Pour les créateurs, perdre la maîtrise des handles modifie la réception de leurs idées. Si l’IA reformule sans saisir les nuances, leur message peut être déformé. Pour les consommateurs, déléguer ces repères à une machine risque d’appauvrir curiosité et esprit critique, redéfinissant nos choix et notre rapport au sens.
Les repères resteront, mais leur nature et le pouvoir qu’ils incarnent seront profondément transformés.
Hallucinations-as-a-service - Les erreurs de l'IA deviendront monétisables dans des secteurs inattendus.
Les coûts cachés de l’IA - L’IA implique des coûts invisibles : énergie, obsolescence, maintenance, et complexité difficile à gérer. Parfois, la solution la plus durable reste… humaine.
Le défi émotionnel - L'IA doit saisir les émotions humaines, non pour les singer, mais pour enrichir et adapter ses interactions avec nous.
Selfpressionnisme - L’IA générative, capable de décrypter et réinterpréter des contenus profondément humains, alliée au calcul quantique et aux avancées en neurosciences, ouvre des perspectives vertigineuses. En explorant nos pensées, nos émotions et nos créations, elle ne se contente pas de produire : elle éclaire ce que nous sommes. Peut-être découvrirons-nous, face à cette révolution, que le véritable mystère n’est pas la machine, mais l’humain lui-même.
Outskills - L’avenir n’est pas dans l’outil, mais dans la manière dont il devient une extension de notre singularité. Il repose sur notre capacité à déléguer à l’IA ce qui n’exige pas notre essence, pour éviter de nous perdre dans l’abondance. Ce ne sera pas une ère de contenu de masse, mais de rareté, où chaque custom agent incarne une vision unique et cultive ce qui nous distingue.
Monetiz-AI-tion - Sam Altman a lancé un pari audacieux : voir émerger la première “one-person unicorn” — une start-up valorisée à 1 milliard de dollars avec un seul employé, grâce à l’IA. Une vision fascinante, mais qui soulève une question bien plus troublante : peut-on bâtir un tel avenir sans prendre le temps de bâtir une société capable de l’accueillir ? Et la société du “winner takes it all”, poussée à l’extrême, peut-elle vraiment être durable, ou simplement intolérable ?
Éthique ou Aithique ? - Derrière cette paronomase se cache le vrai défi des prochaines années en IA. Éthique, au sens de principes universels guidant nos choix, ou Aithique, une nouvelle forme de morale façonnée par l’intelligence artificielle, où les algorithmes redéfinissent ce qui est juste et souhaitable. Le véritable enjeu ? Décider si nous voulons être les auteurs de ces valeurs ou les simples spectateurs d’une logique imposée par la machine.
La faille du génie - Une (super) IA qui a raison 9 fois sur 10… mais hallucine la 10e. Progrès ou danger ?
UberIA - Comment collaborer avec une IA qui pourrait surpasser notre propre intelligence ? Si l’intelligence est un reflet de nos attentes humaines, quels garde-fous pouvons-nous établir pour qu’elle reste alignée sur nos valeurs ? Et surtout, comment garantir qu’elle serve l’humanité sans nuire à son bien-être ?
Cyborg, transhumain, assistant IA - quel avenir pour l’alliance entre l’humain et l’intelligence artificielle ? Le vrai défi n’est pas technologique, il est identitaire.
Underground AGI - Si un gouvernement développait une AGI (Artificial General Intelligence) — une IA capable de rivaliser avec l’intelligence humaine dans tous les domaines — choisirait-il la transparence, en l’annonçant au monde, ou préférerait-il l’exploiter secrètement, à l’image des premières armes nucléaires, pour asseoir sa domination ?
MD
Une réflexion supplémentaire : l'IA met en évidence les limites de l'intelligence humaine, elle nous fait perdre nos repères (certains s'en inquiètent, d'autres s'en réjouissent).
C'est une grande rupture anthropologique, un défi d'une ampleur inédite.
Merci @marie une belle manière de conclure les réflexions de cette année