Ah, internet… Cet espace infini où l'on ère avec légèreté de contenu en contenu... jusqu'à ce que, parfois, on se heurte à un obstacle : le paywall. Une frustration qui risque de s’intensifier alors que la tendance tend vers une diminution des contenus mis à disposition gratuitement sur le web. En tout cas, les contenus de qualité.
En effet, alors que les revenus publicitaires sont menacés par la crise et que la publicité ciblée devient de plus en plus difficile à déployer partout dans le monde, les éditeurs affinent leurs stratégies d'abonnement et de paywall pour augmenter les revenus issus du lectorat et ainsi moins dépendre de l’advertising. Même constat du côté des géants des médias sociaux qui tentent eux aussi de trouver de nouvelles sources de revenus.
Smart Walls
Inciter les visiteurs d’un site à se logguer ? Oui, mais pas n’importe comment alors qu’éditeurs et médias vont de plus en plus loin dans leurs stratégies de “walls”. À la différence des “Metered Walls” avec lesquels les internautes sont invités à payer ou à se logguer uniquement quand un certain plafond est atteint (par exemple après un certain nombre d’articles lus), les “Dynamic Walls” permettent d’ajuster le message affiché en fonction de chaque utilisateur, de sa provenance et de son comportement. C’est notamment la stratégie mise en place fin 2022 par The Atlantic.

Et les walls aussi ont leur version Web3. Le média spécialisé Crypto Briefing a ainsi récemment annoncé s’appuyer sur le protocole Access pour lancer un “Token Paywall”.
Data contre contenus
Côté marques, celles-ci ont développé au fil des années de plus en plus de contenus, essentiellement à des fins de SEO ou de génération de leads. Alors que la collecte de données “first-party” devient de plus en plus vitale avec la fin programmée des cookies, le contenu de qualité pourrait ainsi devenir une monnaie d’échange pour capter de la donnée sur les internautes. Comme pour les paywalls sur les sites médias, verra-t-on bientôt fleurir les “Registration Walls” sur les sites des marques ? Le BtoB est en avance sur le sujet : articles, vidéos, webinars ou livres blancs sont la plupart du temps accessibles après le remplissage d’un formulaire… Il ne serait donc pas étonnant de voir cette logique se déployer.
La seconde étape pour les marques sera de monétiser les données ainsi collectées, à l’image du “Retail Media”, activité en pleine explosion dans le monde de l’(e-)commerce. Le groupe Marriott, lui, cherche à développer le “Travel Media” en lançant son Marriott’s Media Network aux États-Unis et au Canada, qui s’appuie sur les 164 millions de membres de son programme de fidélisation Marriott Bonvoy : les annonceurs peuvent désormais cibler les clients grâce aux contenus partagés dans les vidéos ou les e-mails de l'hôtelier, mais aussi via les écrans de télévision dans les chambres.
Des nouveaux terrains de jeu
Mais il y a sans doute aussi des modèles à réinventer. Avez-vous entendu parler des walls “wait, it’s free” ? Le concept : payer pour accéder immédiatement à un contenu ou attendre quelques jours pour y accéder gratuitement. Une stratégie déployée avec succès dans l’univers des mangas par Piccoma.

Les paywall next-gen arrivent aussi dans nos boîtes mail. En témoigne Gated, un outil permettant de filtrer les e-mails en fonction de l'expéditeur, forçant les inconnus à faire un don pour atteindre leur destinataire. Cette approche astucieuse donne aux utilisateurs un plus grand contrôle sur leur boîte de réception, les aidant à lutter contre l'encombrement et le spam tout en soutenant une bonne cause.
IA generative, “shared ownership”, etc.
Il ne faut pas non plus oublier que les logiques de paywall peuvent aussi être des moyens de protéger les créateurs. Cam Smith, éditeur du média satirique australien The Chaser, le résume d’ailleurs très bien : “La prochaine génération de GPT, si l'on en croit les rumeurs, pourra apprendre à la volée. Et ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle, ou l'un de ses concurrents, puisse commencer à explorer le Web ouvert. À ce stade, les sites web gratuits et ouverts deviendront rapidement de simples outils de formation pour ces algorithmes géants [...]. Nous ne devons pas fournir gratuitement notre contenu à ces machines d'apprentissage. Et c'est pourquoi, très bientôt, The Chaser fermera ses archives et ses flux de médias sociaux après des années à vous fournir du contenu gratuit.”
Un peu de prospective pour finir ?
Les réseaux sociaux Web3 promettent de redonner le pouvoir et la propriété des données aux créateurs et à leurs membres grâce à la technologie blockchain. C’est donc l’utilisateur, et non la plateforme, qui détient la propriété des informations qu’il partage et des liens qu’il y constitue. En théorie, ces réseaux ont même vocation à être “interopérables” pour permettre la migration d’un réseau à l’autre. Dans cette même lignée, on pourrait tendre vers une économie des contenus plus collaborative dans laquelle les médias intègrent les consommateurs à leur capital, à leurs processus de décision, voire à la production des contenus. En détenant des jetons ou autres actifs numériques, les abonnés deviendraient ainsi co-créateurs des produits et services et accéderaient à de nouvelles sources de revenus et à des opportunités de monétisation. En France, c’est ce qu’a initié 20 Minutes, avec le projet 20Mint, un supplément papier financé et co-créé par une communauté d’early adopters du Web3 ayant acquis l’un des 999 NFT mis en vente. Toujours en France, la newsletter Snowball, dédiée aux finances personnelles, sollicite ses lecteurs pour certaines prises de décision tandis que 20% des profits sont redistribués sous forme de cashback aux abonnés Premium. Objectif ? Des intérêts alignés et, in fine, un win win pour tous. Affaire à suivre…
MD
Cet article est une version condensée de la tendance "Gated Content" issue du rapport "Le Futur des Contenus", coécrit avec Quentin Franque et Benoit Zante. Le rapport a été récemment mis à jour et est disponible à l'achat ici. Utilisez le code "Sesameouvretoi" pour bénéficier d'une réduction de 30% :)