Visions Chamaniques
L’exposition "Visions Chamaniques" au musée du Quai Branly est une véritable invitation au voyage. Non pas un périple géographique, mais une exploration introspective à travers l'univers de l'ayahuasca. Cette potion mystique, au cœur des rituels chamaniques d'Amazonie, promet une plongée profonde dans les abysses de la conscience.
Dès l'entrée, l'exposition célèbre l'art autochtone. L'éclat des œuvres Shipibo-Konibo, avec leurs motifs labyrinthiques appelés kéné, se fond dans l'énergie vibrante de l'art urbain péruvien, tissant ainsi une tapestrie riche et colorée de l'art psychédélique.
Et le clou de l'exposition ? C'est dans son dernier acte où l'on explore la diffusion mondiale de l'ayahuasca à partir de la seconde moitié du XXe siècle, un phénomène notamment marqué par l'apparition du tourisme chamanique. Cette section met en lumière la complexité de l'assimilation occidentale de ces traditions, incarnée par la "Dreamachine" de Bryon Gysin, élaborée avec Ian Sommerville en 1959. Ce dispositif, diffusant des effets lumineux stroboscopiques à observer les yeux fermés, guide le cerveau vers un état d'onde alpha, naviguant habilement entre détente profonde et conscience éveillée. Il incarne une démarche pragmatique pour capturer l'essence des voyages spirituels inspirés par l'ayahuasca.
Au carrefour des mondes
En sortant, mon esprit était en ébullition, me projetant vers ce qui semble être la prochaine révolution : celle des psychédéliques. Aux États-Unis, la médecine psychédélique connaît un renouveau spectaculaire, soutenue par l'enthousiasme du public et l'intérêt ciblé de certains fonds d'investissement. L'Europe n'est pas en reste, avec plusieurs pays s'alignant progressivement sur cette tendance. En France, malgré un certain retard, les études médicales viennent d’être à nouveau autorisées.
Et puis, je me rappelle aussi d'un article de Crunchbase lu il y a quelques mois, sur la montée des investissements dans les apps d'hypnose. Et d'ailleurs, les start-ups françaises se taillent une place de choix dans ce domaine. Cette tendance n'est pas anodine, comme le montrent les statistiques de Google : les recherches pour "hypnosis" explosent, avec une augmentation de 238% en un an, culminant à 823 000 requêtes en février.
On voit également également éclore des concerts sous hypnose. Geoffrey Secco, musicien, hypnothérapeute, et producteur, s'éloigne délibérément de l'hypnose de spectacle façon Messmer pour adopter l'hypnose ericksonienne. Cette dernière, caractérisée par sa profondeur et sa lenteur, permet une immersion bien plus intime et humaine. Engagé dans la conviction que sonder notre conscience est vital face aux défis du transhumanisme, Secco invite à un voyage intérieur à la fois personnel et collectif.
Au cœur de ces pratiques, anciennes comme modernes, réside une quête commune : celle de déchiffrer les énigmes de notre subconscient. Que ce soit dans un but de guérison, d'auto-exploration, ou d'élargissement de notre champ de conscience, chaque méthode s'inscrit dans le désir profond de mieux comprendre et maîtriser notre intériorité. C'est ce que m'a révélé un hypnothérapeute : nos sociétés industrialisées, ayant satisfait les besoins basiques de Maslow, nous nous dirigeons vers une nouvelle ère de granularité du bien-être et cela passera par les états de conscience altérés.
Le come-back de la dream machine
D’autant qu’il y a toute une nouvelle génération de braintech qui visent à générer ces états de conscience altérés de façon non invasive.
Récemment, j'ai plongé dans cet univers en testant la Dream Machine. Oubliez le modèle de 1959 ; je parle ici de sa descendante moderne, une création de Kevin Finel et Brice Battung. Ces deux experts de l'hypnose, des psychologies cognitives et des neurosciences ont repensé l'expérience. Et quelle expérience ! Conquise, je l'ai immédiatement achetée :)
Ce dispositif intrigant, opérant grâce à la photo-neuro-stimulation, se dévoile comme une passerelle semi-psychédélique et non-invasive. Il trace un chemin entre la méditation, souvent perçue comme difficile d'accès, et le monde complexe des psychédéliques, qui demande une connaissance approfondie. La magie de la Dream Machine réside dans ses programmes sophistiqués, tous accessibles via son application dédiée. Mon coup de cœur ? Le programme "Gamma" de 35 minutes, qui stimule les fréquences cérébrales les plus rapides, associées à la concentration et une efficacité cognitive maximale. Je trouve aussi du réconfort dans le programme "Falling Asleep" de 13 minutes, parfait pour vaincre l'insomnie, et "Day Dream", véritable sas de décompression après un marathon de Zooms.
Des pionniers tels que Pandora, Lucia, Roxiva ont déjà arpenté les chemins de la lumière hypnagogique, mais leur coût très élevé les confinait à un cercle restreint. Récemment, l'application Lumenate a cherché à rendre cette expérience plus accessible, exploitant pour cela la lumière de nos smartphones. Cependant, les flashs des téléphones souffrent d'une puissance limitée. Se cantonner à une source lumineuse revient à essayer de créer une symphonie avec une seule note, une limitation évidente lorsque l'on considère les potentialités offertes par des systèmes plus élaborés comme la Dream Machine, à laquelle même Neuroviz et son masque ne parviennent pas à se mesurer en termes d'intensité lumineuse.
Work in progress …
Fascinant ? Et pourtant, nous sommes qu’au début de l'exploration, car la stimulation photonique n'est qu'une des nombreuses méthodes pour induire des états de réalité altérés. Sons et rythmes à la manière des tambours chamaniques, sons binauraux, fréquences inaudibles, stimulation magnétique, et même les ultrasons, élargissent l'éventail des possibilités.
C'est du moins l'angle choisi par l'intrigante start-up Prophetic Ai, qui entend “stabiliser les rêves lucides” et a vraisemblablement observé de près l'effervescence autour du Subreddit r/luciddreaming, rassemblant 537 000 membres. La bio du fondateur, tout en nuances, donne le ton : “Prometheus a volé le feu aux dieux, nous volerons les rêves aux prophètes”.
L'idée de départ est indéniablement prometteuse, mais sa mise en œuvre risque de s'avérer complexe. En effet, cette technologie, moins familière et documentée comparativement à des approches bien établies comme la photostimulation, engage sur un terrain relativement inexploré. Pour naviguer avec succès dans ces eaux non cartographiées, il faudra avoir les reins solides en matière de R&D.
Dans le domaine des rêves lucides, les start-ups développant des dispositifs tels que les bandeaux EEG à ultrasons ciblent spécifiquement les zones cérébrales actives durant le sommeil REM (Mouvement Rapide des Yeux), une phase marquée par une intense activité cérébrale proche de celle de l'éveil, accompagnée de mouvements oculaires rapides. Cette étape est clé pour induire la lucidité, puisque c'est durant celle-ci que les rêves sont les plus clairs et que l'éveil de la conscience dans le rêve est possible. La méthode s'appuie sur un effet similaire à celui décrit par Pavlov, visant à stimuler la reconnaissance de l'état de rêve et ainsi augmenter les chances d'accéder à la lucidité. Toutefois, la difficulté de cibler avec précision ces régions cérébrales sans perturber le sommeil explique les défis rencontrés par les quelques start-ups qui se sont déjà aventurées dans cette niche.
Comme le soulignait Thomas Edison, "Vision without execution is just hallucination" - et ceci sans vouloir jouer sur les mots :)
Les grandes découvertes
La grande leçon, si on ose la chercher ? Nous voici aux portes d'un nouvel âge de l'exploration de l'esprit. Selon Epictète, notre force réside moins dans notre capacité à contrôler les événements extérieurs que dans notre réaction à ces derniers. Dans un monde ensorcelé par la technologie, enchevêtré dans les filets des plateformes numériques, et ébranlé par des comportements toxiques — comme en témoigne la hausse de 139% des requêtes Google pour des livres traitant de la 'dark psychology', qui dissèque les façons dont manipulation, tromperie, et exploitation sont orchestrées pour influencer ou dominer les autres — nous sommes peut-être sur le point de découvrir le chemin vers une compréhension plus profonde de notre essence
Cette quête, bien loin d'être un feu de paille, s'inscrit comme un chapitre déterminant de notre odyssée culturelle et scientifique. "Notre génération est née trop tard pour découvrir de nouveaux continents, trop tôt pour voyager vers de nouvelles galaxies, mais juste à temps pour sonder l'esprit" ainsi se laisse lire le slogan sur l'écrin de la Dream Machine. Une affirmation qui résonne avec la lucidité et le tragique de notre condition, nous rappelant que, dans l'absurde de notre existence, la véritable aventure est celle qui mène vers l'intérieur, où chaque découverte personnelle défie l'immensité de notre ignorance.
MD
PS. Les fidèles parmi vous l'auront sûrement remarqué ... In Bed With Tech s'offre un nouveau look, créé par la talentueuse Carol Pierre.
J’ajouterais un élément clé : à l’heure des promesses autour de l’IA généralisée, quelle folie d’apprenti sorcier que de vouloir résumer l’humanité (ou la rendre obsolète ou pour être plus optimiste, de l’augmenter) alors que nous ignorons comment notre propre cerveau fonctionne…
Merci pour cette découverte de la dream machine, j’adore !