Email Overload… Inbox Révolution ?
333,2 milliards : soit le nombre de courriels envoyés par jour en 2022. Pharaonique ? Et pourtant, ce chiffre devrait encore augmenter de 13% d’ici 2025 ! Pour le meilleur ou le pire ? Décryptage.
Une vague d’innovations pour le B2B
D’un usage académique dans les années 1970, la messagerie électronique est devenue mainstream à partir de 1996 avec, notamment, le lancement des solutions made in Hotmail et Yahoo. De nos jours, notre inbox s’érige en véritable clé de voûte d’internet avec 99 % d’utilisateurs qui consultent leur boîte de réception au moins une fois par jour. C’est donc sans surprise que cette dernière est devenue un véritable terrain de chasse pour start-up, avec en ligne de mire, le secteur du B2B. Objectif ? Nous faire gagner en productivité en mettant l’accent sur l’aspect collaboratif et conversationnel.
Parmi les exemples phares, citons Superhuman - $108 millions levés depuis son lancement en 2014 - qui joue la carte de l’exclusivité en s’adressant aux utilisateurs “super-responsive” qui visent l’inbox zero. Le modus operandi ? Une expérience du mail conçue autour de la rapidité (raccourcis de claviers, tri poussé grâce à l’IA, infos complémentaires sur ses correspondants, etc.). Spike, pour sa part, a repensé l'interface utilisateur pour la faire ressembler à une application de chat avec de nombreuses fonctionnalités collaboratives (to-do-lists, messagerie vocale, chats vidéos, groupes, etc.). Mention également pour Front qui va un cran plus loin en se positionnant comme un “communication hub” qui rassemble tous les canaux de communication (email, messageries instantanées etc.) sur une plateforme hyper-collaborative. Bref, les solutions ne manquent pas pour faire gagner du temps et donc de l’argent aux pros.
Venir à bout de l’email overload ?
Côté B2C, l’innovation est plus timide et le marché reste largement dominé par des mastodontes tels que Google et l’iconique Gmail, qui présente l’avantage d’avoir un écosystème de développeurs tiers créant des fonctionnalités supplémentaires. Mais progressivement, de nouvelles solutions émergent.
A la fois client de messagerie et service d'hébergement, Hey, de Basecamp s’est lancé il y deux ans avec l’objectif principal de combattre la surcharge informationnelle, ce fameux “email overload”. Sa particularité ? Offrir un système de filtrage puissant grâce à The Screener, une salle de tri qui vous permet de valider chaque nouvel utilisateur. Et pour les expéditeurs confirmés, une catégorisation selon trois dossiers : l’Imbox pour les messages importants, The Feed pour les newsletters et emails promotionnels et enfin Paper Trail pour les factures et reçus. Révolutionnaire ? Sur le papier, oui. Mais comment cela se révèle à l'usage? En juin 2020, le mois de sa sortie, la requête “hey email” a été tapée 110.000 sur Google périmètre monde et le start-up a également intégré le classement des 15 meilleurs apps de productivité de Fast Company. En 2022, avec une chute à 5.500 requêtes mensuelles en moyenne sur Google, force est de constater que l’effervescence est retombée.
D’autres approches se dessinent.
Mais Hey n’est pas le seul à repenser le modèle. Je me suis entretenue avec Cyril Dzou Ottou, fondateur de la start-up Paplar qui va un cran plus loin dans la réflexion en se focalisant sur les emails transactionnels, dressant le constat que l’usage de nos mails aujourd’hui n'a plus grand-chose à voir avec celui d’hier, en raison de la diversification des canaux de communication via SMS, Whatsapp, Signal, Telegram, Messenger ou encore via les messageries instantanées des différentes plateformes sociales.
Par conséquent, le fondateur de la start-up issue de l’école 42 et incubée à Station F estime que l’email B2C serait devenu une sorte d’identifiant pour se connecter à des plateformes en ligne, suivre des commandes, recevoir des tickets de caisse dématérialisés, des newsletters et autres promotions. Le problème ? L'email n’ayant pas été conçu pour cet usage, il en découle souvent une mauvaise expérience due à une surcharge informationnelle et communicationnelle (conversations, inscriptions, confirmations et suivis de commande, abonnements, newsletters, promotions, etc.).
Un phénomène qui devrait aller crescendo, notamment en France, avec la fin du ticket de caisse papier programmée au 1er janvier 2023. La décision, prise pour des raisons environnementales, ne semble pas avoir anticipé pour autant la croissance considérable d’emails reçus en conséquence, ce qui entraînera inévitablement une explosion de la pollution numérique liée au stockage inutile.
Paplar et le futur de l’email ?
C’est donc fort de ce constat qu'est né Paplar, un email de poche pour traiter les emails transactionnels qui “agit comme votre assistant personnel” pour reprendre les mots de Cyril Dzou Ottou. Vous disposez d’un hub pour contrôler les marques que vous fréquentez ; les emails promotionnels deviennent ainsi des “stories” éphémères, qui finissent par se supprimer automatiquement une fois expirés, ce qui permet d’alléger son mail et ainsi réduire son impact sur l’environnement. Les suivis d’achats disposent de leur propre interface simplifiée et sans spams, tandis que les commandes sont groupées en bloc.
Une vision atypique et surprenante qui n’en est pourtant qu’à ses balbutiements. En effet, Cyril Dzou Ottou se projette encore plus loin : “Selon moi, dans 10 ans, l’email tel qu’on le connaît n’existera plus, l’alias pourrait être remplacé par une identité numérique (NFT) infalsifiable pour limiter les fraudes et autres usurpations d’identité par exemple. Les emails ne seraient plus du texte brut sous un format standard, mais plutôt des notifications simplifiées et uniformisées, des QR codes à scanner ou encore des réponses sous forme de call-to-action. Une sorte de mail intelligent en somme, plus « imagé », qui s’adapte à ce que l’on reçoit. Un réel assistant personnel du quotidien, et non plus une boîte aux lettres numérique où l’on aimerait pouvoir aussi coller le fameux sticker « stop pub » de nos boîtes aux lettres traditionnelles.” Encore un peu de patience, donc. Les prochaines innovations devraient pouvoir bientôt nous permettre de démêler (ou dé”mailer”, pourquoi pas) le vrai du faux sur ces tendances qui ponctueront bientôt notre quotidien.
MD