Effet papillon, effet domino - vous connaissez ? La fascination d'un simple battement d'ailes qui entraîne une cascade d'événements. C'est dans cet esprit que je vous invite à explorer les macro-tendances qui bouleversent notre alimentation. Séniorisation de la population, réchauffement climatique, et la montée en puissance de la technologie et de l'IA - comment influencent-elles notre assiette ? Voici quelques réflexions en vrac à déguster sans modération !
Climat : place à la biodiversité
Le changement climatique nous force à revoir nos systèmes de production alimentaire, et l'agriculture régénératrice, qui prend en compte le respect de la planète, émerge comme une solution de choix. Cette approche de l'agriculture mise sur la biodiversité, en privilégiant des pratiques comme la rotation des cultures, la polyculture, et l'agroforesterie, qui favorisent la diversité des plantes. Et il est grand temps : la FAO nous rappelle que sur 250.000 à 300.000 espèces de plantes existantes, seulement 150 à 200 finissent dans nos assiettes. Encore plus alarmant, trois céréales - riz, maïs et blé - représentent presque 60% de nos apports en calories et protéines végétales.
Dans ce contexte, je suis convaincue que nous verrons émerger des aliments méconnus, mais qui deviendront bientôt omniprésents. Par exemple, le Kernza est capable de repousser et de produire des grains et du fourrage pendant plusieurs années, sans être ressemée. Sa couverture permanente du sol, sa robustesse et son système racinaire important en font une alliée précieuse pour l'environnement. D'autres exemples incluent le fonio, une ancienne céréale africaine qui est résistante à la sécheresse et peut pousser sur des sols pauvres. Ces aliments, et d'autres comme eux, pourraient jouer un rôle clé dans la transformation de notre système alimentaire vers un modèle plus durable et résilient
Dans le monde du branding, la mise en avant de la biodiversité pourrait émerger comme un argument marketing de choix. La valorisation d'espèces menacées, essentielles à nos écosystèmes, offre aux marques une opportunité unique et percutante de se différencier. Les initiatives de l’expert Mike Lee, sont une parfaite illustration de cette opportunité.
Sur son site, Lee met en avant des "concept products" qui promeuvent la biodiversité. Les chips "Les Fonitos", élaborées à partir de céréales ancestrales, en sont un exemple concret. Dans la même veine, le dessert glacé "Banana B-Sides" se démarque en utilisant 31 variétés différentes de bananes, offrant ainsi une alternative à la domination de la variété Cavendish. Et pour cause, saviez-vous que, parmi les plus de 1.000 variétés de bananes existantes, la Cavendish représente à elle seule 90% des exportations ? Il est temps de diversifier nos choix et de privilégier la biodiversité dans nos assiettes.
Papy-boom … Papy-food ?
En Occident, le vieillissement de la population s'accélère, surtout en France. Entre 2020 et 2030, les personnes de 75 à 84 ans devraient passer de 4,1 millions à 6,1 millions, soit une hausse impressionnante de 49%. Ces seniors, héritiers de l'esprit rebelle de la génération Beatles, ont des attentes différentes de leurs aînés.
Cela se reflète dans l'alimentation. Fini les compléments nutritionnels oraux (CNO) ennuyeux et peu séduisants. Les défis de déglutition, de mastication et de dénutrition appellent à une révolution culinaire pour les seniors.
Les géants de la nutrition clinique tels que Nutricia Nutrition Clinique, Lactalis Nutrition Santé et Nestlé Health Science vont bientôt faire face à de nouveaux challengers. Auchan a pris les devants en Espagne en lançant une gamme innovante de petits pots pour adultes. Parallèlement, des marques émergentes telles que les madeleines AMA (Aller Mieux Autrement) et La Picorée ciblent la dénutrition avec des produits moins médicalisés et plus savoureux – des délices caloriques et nutritifs.
Food is Social!
La cuisine, une expérience intrinsèquement sociale, s'est amplifiée depuis des années grâce aux réseaux sociaux. Cependant, TikTok a insufflé une nouvelle dynamique à ce phénomène. La plateforme est devenue un véritable foyer des tendances culinaires. Comme le souligne Alicia Kennedy dans un article de Vox, l'innovation gastronomique ne se limite plus aux bureaux des géants médiatiques comme Condé Nast. Elle émerge désormais des cuisines de quartier. L'ascension de Tikene Younger en est une preuve éclatante. Avec ses 3,7 millions de followers sur TikTok, elle dépasse de loin la section Cooking du New York Times, qui compte 320 000 abonnés, et Bon Appétit, avec un peu moins de 316 000.
En outre, bien que les réseaux sociaux soient envahis par des tendances culinaires qui jouent sur le côté ludique et fusion - telles que les tisanes rouges à l'hibiscus, les infusions bleu caraïbes à base de pois de senteur, les conserves de poisson glamour ou les fruits rasés (une tendance que vous pouvez découvrir ici si vous êtes novice), le contenu gastronomique en ligne prend une tournure de plus en plus culturelle et émotionnelle.
Le compte TikTok de Rosie Grant (8 million de likes !) illustre parfaitement cette dynamique. Elle présente des "gravestone recipes", des recettes inscrites sur des pierres tombales par des personnes désirant laisser une trace de leur talent culinaire. Ces recettes, allant des cookies au fudge, sont reproduites et partagées par des amateurs de cuisine et d'histoire sur les réseaux sociaux, contribuant ainsi à faire perdurer la mémoire des défunts à travers leurs talents culinaires.
Ce phénomène ne représente qu'une des nombreuses manières dont la food affirme sa place sur la scène culturelle. Il souligne la capacité remarquable des réseaux sociaux à perpétuer les traditions culinaires et à tisser des liens intergénérationnels autour de la nourriture et de la culture, parfois de manière surprenante.
IA & Gastronomie: Créativité en fusion ?
L'association entre l'IA générative et la cuisine, un art intemporel qui éveille nos sens, recèle un potentiel séduisant, bien que complexe. Bien sûr, des outils comme ChatGPT peuvent générer des recettes, mais ils ont souvent du mal à saisir la finesse requise pour équilibrer les saveurs, les textures et les techniques de cuisson qui distinguent un plat exceptionnel. En réalité, l'intuition et le contexte, si fondamentaux en cuisine, restent hors de portée de l'IA. Les chefs ont une sensibilité innée pour les ingrédients et les techniques, façonnée par un riche héritage de traditions et de recettes.
Un exemple récent illustre bien ce phénomène : lors de la création d'une cuvée de vin, l'IA a joué un rôle dans l'assemblage du cépage, mais c'est la collaboration humaine qui a été déterminante. Les agriculteurs soulignent que rien ne peut égaler l'évaluation sensorielle humaine d'un vin, qui permet de percevoir des nuances subtiles que la technologie ne peut pas saisir. Même ChatGPT, conscient de ses limites, admet être "un modèle de langage sans goût ni odorat pour évaluer le vin."
Ainsi, il convient de privilégier une approche collaborative où l'IA et l'humain travaillent de concert, une configuration prometteuse pour de multiples applications. Les chatbots d'IA, par exemple, peuvent fournir des suggestions créatives pour adapter les recettes en fonction des restrictions alimentaires, des ingrédients disponibles et des préférences individuelles. L'IA peut également insuffler une dose d'originalité en proposant des variantes de plats traditionnels, en accélérant le développement de recettes pour les chefs et les tiktokeurs culinaires, ou en servant de ressource éducative pour les étudiants en cuisine. De plus, les chatbots d'IA peuvent faciliter la planification des repas, la création de listes de courses et guider les utilisateurs à chaque étape de la préparation culinaire. Les recettes créées par l'IA peuvent explorer les mélanges culinaires interculturels et l'IA peut être utilisée pour la recherche et l'expérimentation en cuisine, identifiant des associations d'ingrédients inédites et proposant des défis culinaires pour enrichir le répertoire des utilisateurs.
MD