Le “Selfpressionnisme” est-il le courant artistique du 21ème siècle ?
Quand l’IA se met au service de l’expression du moi.
Si l’avènement d’internet et des réseaux sociaux a bouleversé notre façon de communiquer et de nous connecter aux autres, l’IA générative est en train d’amorcer un nouveau bing bang créatif en redéfinissant les limites de l'expression personnelle.
Un bouleversement si important qu’il pourrait même amorcer une nouvelle ère artistique. En effet, en s’appuyant sur les fondements de l'impressionnisme - un courant basé sur la capture d'impressions visuelles - et de l'expressionnisme - un courant axé sur l'expression émotionnelle -, l'IA générative et les récents progrès réalisés dans certains domaines tels que la vidéo volumétrique, les hologrammes ou la RA, tendent à ouvrir la voie à une expression du soi démultipliée.
From AI to I Am
Jugez plutôt : l'avènement de modèles tels que GPT-3 et ChatGPT permet désormais, dans une certaine mesure, d’uniformiser les règles du jeu en matière de création de contenu. Concrètement, celles et ceux qui souhaitent s'exprimer par écrit ne sont plus obligés d’être des plumes et ce, dans n’importe quelle langue. De la même façon, l’essor de l'IA multimédia donne la possibilité à tout un chacun de révéler son sens artistique, indépendamment de son expérience ou de son niveau de compétences, grâce à des outils comme DALL-E 2, Stable Diffusion ou encore Midjourney qui permettent de générer des visuels à partir de quelques lignes de texte. Et ce n'est que le début, car un grand nombre d'applications sont en cours de développement en utilisant, ou pas, leur API, ouvrant de nouvelles voies pour l'expression créative dans une large gamme de domaines et de niches spécifiques…
À travers l'utilisation d'avatars et de digital humans alimentés par l'IA, les individus peuvent désormais prendre l'apparence qu'ils souhaitent, brouillant ainsi les frontières entre réalité et fiction. Bien que des applications telles que Lensa, Dawn, et Voi permettent aux utilisateurs de créer des avatars personnalisés, des entreprises telles que Reblika aux Pays-Bas, Eisko en France, Soul Machines en Nouvelle-Zélande et Mawari au Japon vont plus loin en développant des personnages numériques hyperréalistes. D'autres entreprises telles qu'Unreal Engine (Epic Games) aux États-Unis ou le projet Neon (Samsung) en Corée se positionnent également dans ce segment émergent.
Et que dire des deepfakes, un type spécifique d'IA générative utilisé pour créer des vidéos, des sons ou des images très réalistes permettant de faire faire ou dire n’importe quoi à n’importe qui ? Bien que décriée, la technologie en elle-même n'est pas si mauvaise alors que des entreprises telles que DeepCake et Hour One proposent de modéliser des jumeaux numériques de personnes et célébrités, avec leur accord, pour “scaler” la production de contenu.
Hyper-personnalisation : Andy Warhol meets Minority Report
Il va sans dire que cette exacerbation du moi va nécessairement avoir des répercussions sur les stratégies de marques, notamment dans la course à l’incarnation et à l’hyper personnalisation, des concepts qui ont depuis longtemps dépassé la tendance pour s’imposer comme des pré-requis.
Bien sûr, l'univers du Web3 se positionne comme précurseur sur le sujet puisque les marques y sont bien souvent créées avec la participation directe des consommateurs dans des logiques d'ownership, d'appropriation et de remix. Un exemple ? L’essor de la communauté des Bored Ape, l’une des plus populaires dans le monde de la blockchain. Chaque Bored Ape prend les traits d’un personnage virtuel, unique, commercialisé sous forme de NFT. Chaque propriétaire de Bored Ape peut ensuite utiliser celui-ci comme bon lui semble, que ce soit pour créer des produits dérivés uniques, l'utiliser comme NFT pour le commerce, ou même l'afficher dans le métavers - les possibilités sont infinies. Même principe pour la communauté des CryptoPunks.
Cette notion d’alter ego digital donne d’ailleurs lieu à de nouvelles stratégies de marques à l’image du Direct-To-Avatar (DTA), un concept marketing qui consiste à créer des avatars personnalisés pour chaque consommateur, puis à cibler ces derniers avec du contenu promotionnel au sein des écosystèmes virtuels dans lesquels ils évoluent. L'idée, bien sûr, est d'adapter le contenu aux préférences et aux intérêts de chacun afin d’augmenter l'engagement… Relativement récent, le DTA tend à gagner en puissance à mesure que la technologie progresse et que les consommateurs deviennent plus à l'aise avec l'utilisation des avatars.
Dans la même veine, c’est tout un écosystème business qui se met en place autour des avatars avec la possibilité d’habiller ces derniers. Les NFT Dogami, par exemple, peuvent désormais revêtir des tenues et accessoires GAP. Un délire créatif plus influent qu’il n’y paraît alors que selon une étude menée par la plateforme Roblox en 2022, 70% des interrogés issus de la GEN Z déclaraient s'inspirer du style de leurs avatars.
En fin de compte, ce qui unit toutes ces tendances, c’est bel et bien l'ego. Si la quête de reconnaissance et la valorisation de l'individu ont toujours été présentes dans l'art et la culture, les avancées technologiques - et notamment l’IA générative - vont permettre de les développer, littéralement, sous de nouveaux angles. Mais jusqu'à quel point ? La personnalisation extrême dans les espaces numériques pourrait-elle conduire à une désincarnation de l'individualité in real life ? Tous Ego… pour le meilleur ou le pire ?
MD
Êtes-vous prêt à donner une nouvelle impulsion à vos stratégies ? Avec Benoit Zante et Quentin Franque, nous avons (déjà) mis à jour notre “deep dive” sur le futur des contenus (en vente ici). Nous avons même sorti une synthèse (sans utiliser ChatGPT !), dans un format plus compact et opérationnel, également disponible ici.
J’en profite pour remercier Mathilde Audenaert, Dominique Delport, Benoit Zante et Thomas Owadenko pour leurs précieux conseils et suggestions dans la rédaction de cet article.
Toujours aussi intéressant et complet ! Merci Marie !
Article intéressant comme toujours mais la question de la création ou de l’art va t elle se résumer à émettre une idée ou écrire une phrase et laisser faire le reste ?