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Connaissez-vous l’Urban Dictionary ? Lancé en 1999 par Aaron Peckham, ce site s’inscrit comme le carrefour des expressions émergentes, des memes d'internet et des nouveaux mots qui définissent notre culture. Devenu l’un des sites les plus visités aux États-Unis avec des centaines de millions de vues par mois, il est devenu la Bible de celles et ceux qui souhaitent décoder le zeitgeist ambiant. Mais face à l'avalanche quotidienne de nouvelles entrées, comment s'y retrouver ? La solution : leur newsletter qui met chaque jour en lumière une expression plébiscitée par la communauté.
Récemment il s’agissait du terme “Disorder Salad” dont voici le contexte :
En français, l'expression "raconter des salades" nous vient immédiatement à l'esprit. Mais attention aux faux amis : dans la langue anglaise, "salad" ne porte pas la connotation initiale que nous y associons. Ici, en l'occurrence, je trouve que "syndrome de la salade" traduit bien l'idée de cet assortiment aléatoire de troubles qu'une personne met en avant pour attirer l'attention, notamment sur les réseaux sociaux.
S’il est un terme qui m’interpelle dans cet extrait, c’est celui de "neurodivergent". Introduite en 1997 par la sociologue Judy Singer, elle-même atteinte de troubles du spectre autistique, la "neurodiversité" classe les gens en deux groupes. D'un côté, les "neurotypiques", ceux qui disposent d’un fonctionnement cérébral considéré comme standard. De l'autre, les "neurodivergents", dotés d’un fonctionnement atypique comme l'autisme ou le TDA/H. Sachant que selon une étude menée en 2020, 15 à 20% de la population mondiale serait neurodivergente.
Auparavant, être catalogué comme neurodivergent était souvent perçu de manière désapprobatrice. Mais aujourd'hui, grâce à des figures publiques comme Greta Thunberg ou Elon Musk (qui s'est identifié comme Asperger) et à des séries populaires comme "HPI" (TF1), cette vision a évolué. Dans une ère où tout semble uniformisé, cloné à l'envi, la différence sous toutes ses formes est presque devenue un atout. De là, pour certains, à embrasser une fausse neurodivergence pour paraître unique ? La question reste ouverte...
Toujours est-il que le phénomène prend des proportions elles-aussi hors normes. Du côté des requêtes Google, le terme “neurodivergent”, quasiment inexistant dans les recherches avant 2020, a bondi à près de 800.000 requêtes en moyenne par mois avec un pic à un million atteint à plusieurs reprises en 2023.
Sur TikTok, le hashtag #neurodivergent comptabilise 10,9 milliards de vues, sans compter sur toutes les déclinaisons de longue traîne.
C’est donc sans surprise que les offres se développent autour d’un sujet devenu bankable. Ainsi, les “ADHD chairs” sont des chaises qui stimulent l’assise active pour les personnes qui souffrent de troubles de l’attention avec hyperactivité.
Elles cartonnent sur Tiktok et sur le web en général, tout comme les fidgets et autres outils pour occuper ses mains. Idem pour les apps destinées aux personnes atteintes de TDA/H qui ne souhaitent pas faire appel à des psychostimulants dérivés de la ritaline : certaines d’entre elles ont d’ailleurs levé des montants considérables, comme le rapporte TechCrunch.

Des start-ups comme Rare Birds, qui propose des vêtements adaptés, Tiimo et son app visuelle de planification quotidienne, ou Mentra, soutenu par le renommé Sam Altman, démontrent que cette tendance est loin d'être marginale.
La multiplication des contenus et des initiatives autour de ces sujets en dit long sur les préoccupations sociétales du moment (hello le ‘FOBO’ - la peur de devenir obsolète). D'un côté, l'émergence de ces business montre une prise de conscience autour de la santé mentale et une réelle volonté d'inclusion. De l'autre, la popularisation à outrance du terme pourrait minimiser les réels défis que rencontrent les personnes véritablement neurodivergentes.
Mais le fait qu’autant d’individus s’identifient, à tort ou à raison, à cette terminologie, n’a rien d’anodin. Car à bien y réfléchir, le "syndrome de la salade" s’affirme comme une métaphore de notre époque : un maelström de vérités, de demi-vérités et de contrefaçons qui traduit le désir sous-jacent de tout à chacun, celui de trouver une place - et une signification - dans le chaos ambiant.
MD
Cette semaine, je suis aussi chez 15marches, explorant les humanoïdes :)
Le syndrome de la salade
Les neurodivergent(e)s reel(le)s sont celles/ceux qui le proclament le moins :)
Hyper interessant et en effet, quand je lis des bios Linkedin qui affichent toutes sortes de qualificatifs « divergents », je m’interroge sur ce besoin de sortir du lot à tout prix et par tous les moyens