Quand le mobile infuse de la vie au-delà des pixels
On a parcouru du chemin depuis 2010, quand L'American Dialect Society consacrait l’« app » mot de l’année. Aujourd’hui encore, le mobile et son écosystème ne montrent aucun signe de ralentissement. Bien au contraire : en 2020 rien que l’écosystème App store a facilité 643 milliards de dollars de facturations et de ventes, soit une hausse de 24 % par rapport à 2019. Impressionnant, non ? Et alors que nous avons atteint une vitesse de croisière, un certain confort dans l’usage, il semblerait qu’une vague de créativité emporte encore nos mobiles vers une nouvelle ère.
Ce moment où le contact réel fait assurément défaut
L’année dernière, lors du premier confinement, j’avais été interpellée par une news de la firme Apptopia, une entreprise spécialisée dans la data mobile, qui mettait en exergue quelques usages pandémiques. En effet, selon la firme américaine, les dix premières applications de vibrations (oui oui, vous avez bien lu) ont enregistré en moyenne 1,1 million de nouveaux téléchargements mensuels entre mars et juin 2020 dans le monde sur iOS et Android. Et en juillet, ce ne sont pas moins de 1,6 million de téléchargements qui ont été opérés. Soit une augmentation de 171 % sur cinq mois, en comparaison aux cinq mois précédents, qui comptaient 404 200 téléchargements par mois, toujours selon la firme US. Mais que s’est-il donc passé ?
Si, bien sûuur, certains ont téléchargé ces apps pour apaiser une contracture musculaire ou pour compléter une session de méditation, d’autres ont fait preuve, dirons-nous, de plus d’imagination. Je ne vais pas vous faire un dessin, mais il semblerait que le mobile - et sa capacité vibratoire - soit devenu un compagnon proche, très proche, pour certaines âmes esseulées. En bref, le tactile n’aura jamais aussi bien porté son nom (!) Insolite ? Après tout, et pour raccrocher les wagons avec mon précédent article, le WEIRD est en train d’exploser. Donc bon, on n’est plus à une bizarrerie près, c’est même tout le contraire.
Mais si je vous parle de cet exemple, c'est qu’au-delà du fait divers, aussi farfelu et insolite qu’il puisse paraître, il est aussi particulièrement évocateur du fait que le manque de contact physique affecte nos vies. Comme l’explique le psychothérapeute Bruno Vibert dans un entretien pour Slate, « Toucher et être touché est nécessaire à notre équilibre. C'est bien plus qu'un besoin biologique. C'est un sens qui permet de percevoir les émotions chez l'autre. Il valide l'affection des proches et éloigne les peurs. » Or, avec une crise sanitaire qui n’est pas tout à fait terminée, il est important de redéfinir ce besoin du toucher et du multisensoriel de manière générale, qui peuvent ouvrir la voie à plus de créativité digitale.
Vers plus d’expérientiel mobile
Je suis en effet persuadée qu’en matière d’expérientiel mobile, nous n’avons encore rien vu. Certes quelques use cases intéressants s’observent et permettent d’apporter une dimension plus phygitale et immersive à l’expérience mobile, notamment grâce à l’AR. Mais je pense que nous sommes encore très loin d’avoir exploité tout son potentiel. Quelques exemples récents témoignent de ces opportunités à venir :
Aglet est une application de Sneakers qui s’inspire du modèle Pokemon Go : les utilisateurs vont se promener dans le monde réel, collecter de la monnaie virtuelle - l’Aglet - pour pouvoir s’acheter des paires de baskets virtuelles. Là où le modèle devient particulièrement intéressant, c'est au niveau de la phygitalisation du dispositif. La marque a récemment lancé une intégration dans le jeu liée à la météo dans le monde réel. Comme me l’a expliqué un de ses co-fondateurs, Ryan David Mullins : “Nous utilisons OpenWeather pour afficher la météo en temps réel à l'endroit où se trouve le joueur et avons introduit de nouveaux attributs/variables à chaque basket virtuelle du jeu. Les joueurs doivent donc faire preuve de stratégie quant au choix des baskets qu'ils portent dans le jeu afin de maximiser le nombre d'Aglet qu'ils gagnent. De plus, lorsque nous introduirons les avatars plus tard dans l'année, la tenue entière devra être optimisée en fonction de la météo afin de maximiser le nombre d'Aglets qu'ils pourront gagner” Pour Ryan David Mullins, nous ne vivons plus ni “online” ni “offline” mais bien “onlife.”
Lumenate est une application lancée en mars 2021. Son concept ? Elle utilise la lampe de poche du smartphone pour créer des séquences de lumière stroboscopique qui permettent de guider neurologiquement l'utilisateur “dans un état de conscience altéré entre la méditation profonde et les psychédéliques classiques.” Et à en croire les commentaires des utilisateurs : cela fonctionne !
Poparazzi est une application sociale qui fait le buzz depuis son lancement fin mai 2021. Le principe est simple : contrairement à Instagram, impossible de poster des photos de soi. L’objectif, c’est de mettre en avant ses amis en devenant en quelque sorte le paparazzi de sa team. On les prend en photo à la volée, une fois, ou en mode rafale à la façon d’un photographe qui surprend des célébrités. Une particularité marquante de l’app ? L’onboarding haptique lorsque l’on télécharge l’application. Le téléphone vibre au fur et à mesure que l’on visionne la vidéo d'introduction, imitant le retour haptique que l’on obtient lorsqu’on prend une photo avec une caméra classique. Et l’intensité augmente au moment où l’application met en exergue la fonctionnalité rafale. Une façon subtile et presque inconsciente de vous faire comprendre que vous allez envoyer du lourd avec votre smartphone.
Le sujet de l’expérentiel ne cesse de faire des émules. Dimanche dernier, alors que j’enregistrais un podcast avec Yehoshua Zlotogorski, fondateur de l’application de learning audio “Alpe”, nous avons beaucoup discuté d’apprentissage, en toute logique. Yehoshua m’a confié s’intéresser aux capacités du mobile comme plateforme de learning d’une façon qui n’a pas encore été utilisée à date. Selon lui, si aujourd’hui on utilise le mobile pour écouter ou regarder des cours, on n’exploite pas assez la capacité d’apprentissage basée sur le fait que notre smartphone nous permet d’être mobiles dans le monde qui nous entoure. Pour illustrer sa pensée, il m’a présenté plusieurs exemples : pourquoi ne pas exploiter la géolocalisation dans le learning mobile ? La méthode de loci, également appelée méthode des lieux, est une technique courante d'amélioration de la mémoire. Elle se fonde sur le souvenir des lieux déjà bien connus, où l'on associe des éléments nouveaux que l'on souhaite mémoriser. Pourquoi pas dans le monde réel ? Nous savons que les associations telles que l'emplacement, le son et la vue aident à ancrer les souvenirs dans notre cerveau plus longtemps, ce pourrait être une voie très puissante à explorer. Un autre exemple qu’il m’a cité pourrait être de faire correspondre les apprenants en fonction de leur activité ou de leur localisation (apprenants du même quartier, ou se rendant au travail à la même heure). L'exercice est un autre aspect - notre cerveau est très bon pour penser d'une certaine manière à certains rythmes cardiaques - certaines formes d'apprentissage pourraient être construites autour de cela.
Un article de The Financial relatait récemment que des chercheurs ont reçu 8 millions de livres du Conseil de recherche sur l'Ingénierie et les Sciences physiques (EPSRC) pour mettre au point une nouvelle technologie permettant aux enfants de découvrir la nature au moyen de leurs smartphones en "sentant" des textures telles que les plumes, la fourrure et l'écorce des arbres grâce à un kit haptique qui sera adapté aux smartphones et tablettes déjà existantes. Un exemple parmi tant d’autres qui émergent dans un contexte fertile d’innovations technologiques. À la croisée du mobile augmenté et des “wearables” qui se multiplient, on entrevoit aussi, paradoxalement, déjà les prémices du monde post-smartphone qui mettra, assurément, tous nos sens en éveil.
Marie
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