Snap plus fort que Facebook ?
Spoiler : non. Et pourtant, cette question a le mérite de pousser la réflexion et le débat un peu plus loin. Explications.

💥 Puissance d’innovation
« J’ai la conviction qu'à long terme Snap va battre Facebook et devenir le réseau social dominant » : attribuée au VC Alexandre Dewez, cette citation est extraite d’une riche tribune publiée sur son Substack « Overlooked ». L’expert livre une analyse aussi approfondie que passionnante des forces et des killer features de la plateforme d’Evan Spiegel, autant d’atouts phares qui permettront à la firme au fantôme de devenir, à terme et selon lui, LE leader social en Occident.
Son argument ? L’innovation ... à juste titre ! Snap a l’indiscutable don de démocratiser de nouveaux concepts culturellement forts. Souvenez-vous des selfies … mais également les Stories, les Lenses qui ont ouvert la voie d’une publicité que l’on consomme activement. Génial pour certains, démoniaque pour d’autres ... Toujours selon Dewez, cette puissante capacité d’innovation est ancrée dans l’ADN de la firme tel un actif immuable … et une source d’inspiration. Les formats plaisent tant qu’ils sont plagiés à la vitesse de l’éclair par la concurrence.
Ainsi Instagram, propriété facebokienne, dois-je le rappeler, se porte plutôt bien avec son adaptation des Stories. Par-delà sa propre capacité créatrice - n’en déplaise aux mauvaises langues, ce n’est pas seulement une photocopieuse - la firme de Zuckerberg a d’autres cartes dans son jeu, notamment une stratégie agressive de rachats de start-up elles-mêmes très innovantes. Accumulant + 85 acquisitions depuis ses débuts, Facebook dispose donc d’une force de frappe importante. Pas question de se laisser distancer dans cette course à la nouveauté, bien au contraire !
⚡️ Des axes forts suffisamment différenciants ?
Autre point avancé par Dewez en faveur de Snap : son écosystème tend à s’ouvrir de plus en plus, notamment depuis le lancement de SnapKit en 2018 qui permet d’utiliser le réseau social dans des applications tierces. Un exemple ? Yolo, une application anonyme de questions/réponses utilisée dans Snapchat. Premier opus d’une longue série ? Sans doute. Il n’en demeure pas moins que les utilisateurs de la plateforme sont très jeunes ; il y a donc encore beaucoup de chemin à parcourir avant de s’ériger en super app façon WeChat - ce que laisse sous-entendre le VC. J’imagine davantage une plateforme sociale très gamifiée où l’on consomme quand on ne se divertit pas avec ses amis : shopper’tainment, content’tainment.
Bref, un univers très ludique, mais pas nécessairement positionné sur tous les aspects de la vie comme l’est WeChat où l’on peut payer ses impôts, sa facture d’électricité. Logique du reste puisque plus hétéroclite quant aux catégories d’âge représentées. Enfin, Dewez évoque le positionnement unique de Snap, “la camera company”. Quand vous ouvrez l’app Snapchat, vous n'atterrissez pas sur un flux mais sur une invitation à capturer un aperçu du monde réel pour le partager avec vos amis. Ce positionnement initie trois armes « secrètes » : le hardware avec Spectacles, la réalité augmentée et les capacités d’exploitation liées aux maps. L’expert estime que les maps représentent une tendance sociale sous-estimée, qu'à l’heure actuelle, elles sont tout sauf sociales. Vraiment ? “Waze a très bien réussi dans ce domaine” me confiait pourtant Éric Dupin de Citronium. Peuvent-ils être encore plus “sociaux” ?
Évidemment, le phénomène est amené à muter notamment grâce aux nouvelles technologies, je pense particulièrement à l’AR cloud. N’est-ce pas du reste la destinée de tout service qui évolue en son temps ? Qui dit axe fort ne dit pas nécessairement exclusivité. Là aussi, Facebook mène sa barque, allant bien au-delà des lunettes intelligentes : casques de réalité virtuelle Oculus, enceintes connectées, visiophones ... une division hardware a été lancée il y a quelques années pour concurrencer Amazon sur la smarthome. Facebook reality maps a même annoncé un projet appelé "Live Maps" qui permettra de créer des cartes du monde en 3D.
💨 Qui pour arrêter Facebook ?
Ne perdons pas de vue que Facebook a aussi ses killer features. Un arsenal social impressionnant grâce à la « big blue app » Facebook/Whatsapp/Messenger/Instagram, complétée par le nouveau venu Giphy qui, comme je l’expliquais dans cet article, va permettre à la firme de Menlo Park de s’infiltrer (en tout cas jusqu'à la riposte !) partout sur le web et les plateformes concurrentes. Bref nous sommes devant un conglomérat tech et bientôt média (oui, vous verrez) de toute puissance. Je pourrais également citer Facebook Artificial Intelligence Research (FAIR), organisme qui regroupe plusieurs laboratoires de recherche en intelligence artificielle, Facebook Connectivity pour connecter le monde entier à internet, la cryptomonnaie Libra et son portefeuille numérique Novi ... la liste complète prendrait des heures.
Toutes ces raisons compilées m’amènent à douter de l’omnipotence social media de Snap … ou de Facebook du reste. Car à ce stade de développement, Facebook a dépassé le cadre du “social”. Eh oui !
L’acronyme « GAFAM » devient « FAAAM », avec Facebook ancré bien en tête devant Apple, Amazon, Alphabet et Microsoft. Autrement dit, le leader du pack ?
Si aujourd’hui on parle encore de réseaux sociaux horizontaux et verticaux, d’ici une dizaine d’années cette distinction n’existera plus. Tout sera social et probablement interconnecté.
Attention, cela ne signifie pas pour autant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes Facebook. Depuis plusieurs années, le royaume de Zuckerberg n’est plus en odeur de sainteté. Rien de nouveau sous le soleil donc ? Justement si, et cet élément tient au contexte, encore plus électrique que de coutume.
Les tensions liées à la crise sanitaire, économique et sociale exacerbent des mécontentements latents, des ras-le-bol qui s’expriment avec éclat, et l’on observe ces étincelles un peu partout. Gare à l’embrasement !
Il va donc falloir faire particulièrement attention aux prises de paroles, et tenter d’endiguer la spirale des scandales…


Vous l’aurez compris, il s’agit de prendre garde à une éventuelle rébellion des utilisateurs, car c’est sans nul doute là que réside le plus grand danger pour Facebook : c’est vous, c’est moi, c’est nous… et visiblement aussi ses propres salariés.

La crise réputationnelle en a fait plonger plus d’un, ce n’est pas l’actualité qui me donnera tort. Donc pour l’heure, prudence, recul, réflexion autant qu’esprit d’innovation.
Portez-vous bien et à dimanche prochain !
Marie Dollé
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