Selon une étude de l'Organisation Mondiale de la Santé, une personne sur huit dans le monde serait touchée par des troubles mentaux et une personne sur quatre pourrait en être affectée au cours de sa vie. Chez les jeunes, les chiffres sont alarmants : 50% des troubles mentaux démarreraient avant l'âge de 14 ans alors que le suicide s’inscrit comme la 3ème cause de décès entre 15 et 19 ans.
Pour lutter contre cette pandémie, la détection précoce et la prévention font office d’indispensables tandis que les offres se multiplient : selon Rock Health, depuis 2018, les solutions de digital health dédiées à la santé mentale occupent la première place en termes d'investissements. Parmi les business en vogue, on assiste notamment à l’essor de services online parfois appuyés par des dispositifs gouvernementaux à l’image du site MonPsy qui, depuis près d’un an, permet de bénéficier de séances d’accompagnement psychologique prises en charge par l’Assurance Maladie.
Est-ce pour autant suffisant ? Car il semble vital de ne pas sous-estimer la complexité des causes des troubles mentaux : si les facteurs sociaux et économiques jouent un rôle important, ils ne sont pas les seuls. Par exemple, de récentes recherches montrent que la dépression serait à mettre en corrélation étroite avec des dysfonctionnements de l’intestin. Et que dire de la stigmatisation de ces troubles ? Jugez plutôt : aux États-Unis, 45% des personnes souffrant de pathologies mentales de niveau clinique ne cherchent pas de soutien professionnel.
Bref, vous l’aurez compris : il va falloir bien plus que quelques séances de psy dans les métavers pour doper le moral des troupes. Ces dernières années, on voit ainsi se développer la tendance du "Wellness by design", à savoir l'intégration de la notion de bien-être dans la conception d’interfaces, de produits ou encore de lieux de vie. Cette approche - similaire à celle de la gamification - a été rapidement adoptée par les plateformes sociales, soucieuses de redorer leur image. TikTok, par exemple, a mis en place une fonctionnalité "Digital Wellbeing" qui permet à ses utilisateurs de fixer des limites de temps d'utilisation, rapport à l’appui. D’autres acteurs ont suivi cette tendance alors que l’on retrouve des fonctionnalités similaires chez YouTube ("Break Reminder"), Facebook ("Take a Break") ou Instagram ("You're All Caught Up").
Un “Wellness by design” qui a la particularité de dépasser la simple option pour véritablement se fondre au produit et ainsi révolutionner le positionnement de marque. Les exemples s’observent sur tous les segments de marché :
Fashion - Own Your Stigma est une marque de vêtements qui s’est donnée pour mission de normaliser les troubles mentaux. Grâce à des slogans évocateurs imprimés sur ses textiles, la marque entend ainsi ancrer et normaliser des discussions autour des troubles mentaux.
Ameublement - Le studio Enrichers, spécialiste de l'aménagement intérieur basé sur la science, propose des produits conçus pour améliorer le bien-être. Le canapé à eau Bambata, par exemple, est un siège pour deux personnes doté d'un plateau rembourré rempli d'eau qui favorise les échanges entre les utilisateurs en leur permettant de se balancer, ce qui aide à apaiser l'esprit et à réduire le stress.
Food - La chaîne de fast-food Chipotle a récemment lancé sept “Lifestyle Bowls” qui visent à changer les perceptions autour de la santé et du bien-être, en particulier chez les jeunes. Dans la foulée, l’enseigne a également inauguré un filtre en réalité augmentée encourageant sa communauté à bouger mais aussi à s’apaiser l’esprit via des exercices de méditation brandés. Un concept qui s’inscrit à la croisée des tendances de fond que sont la food fonctionnelle et la mental food.
Cosmétique - Si le propre des rituels de soin est de prôner le bien-être in and out, on voit émerger un nouveau segment sur le marché de la beauté : la psycare. La marque ASMR Fragrances initie sa propre dynamique avec ce qu’elle présente comme de la “parfumerie de sensation”. Au menu : une immersion sensorielle unique avec des vidéos assorties aux senteurs, enregistrées en son binaural sur le principe de l’ASMR. Autre exemple avec la marque Keys Soulcare qui offre un journal de gratitude pour tout achat au-delà de $75.
Etudes de marché - Fini les questionnaires rasoirs pour prendre la température de vos envies passées et futures ! La start-up l’Aleph propose une solution innovante axée sur une démarche sémiotique qui génère analogiquement… de la sensibilité humaine. Concrètement, son outil numérique - baptisé xenia - permet de faire émerger les émotions liées aux souvenirs d'une expérience vécue ou fantasmée et de les exprimer en utilisant une liste de mots-images. Ces derniers sont ensuite utilisés pour générer dix indicateurs émotionnels qui révèlent le bien-être dans la relation avec la marque et les désirs en jeu. Comme l’explique la fondatrice Ariane Flahault : “Le secteur des RH s'attache aujourd'hui à évaluer le bien-être des collaborateurs. Mais si le désir authentique n'est pas comblé, même l'amélioration des conditions de travail ne permettra pas de fidéliser les salariés. xenia offre une nouvelle grille de lecture afin de prendre conscience des désirs qui nous animent, de comprendre ce qui nous fait sortir du lit le matin.”
De façon sans couture - mais omniprésente - dans le quotidien, le bien-être mental tend assurément à devenir un élément phare des positionnements produits et des stratégies des marques. Gare toutefois au spectre du “mentalwashing”...
MD
PS. Merci à Guillaume Bezie pour ses précieux inputs ;)
Éclairage fort intéressant ! C’est intéressant que les sujets de « digital health » passent d’une certaine façon de la problématique quantify-self vers une sorte de quality-self. Merci!
Merci Marie, toujours passionnant !