Zoom : de nouveaux usages dans une ère pandémique

Durant le confinement, j’ai écrit un article de fond sur le futur du web conferencing pour le média Viuz. Un sujet crucial en contexte de crise sanitaire persistante où se multiplient des nouveaux usages structurants … parfois inattendus. Décryptage.
L’essor des décorateurs Zoom
Toutes les entreprises ne sont pas égales face à la crise sanitaire : certaines ont bénéficié d’un vent favorable, ainsi celles qui opèrent sur le marché de l’aménagement et du design d’intérieur. Rien d’étonnant : les gens passent plus de temps chez eux, ils souhaitent donc améliorer leur cocon afin qu’il soit le plus confortable possible. Consultons Google pour saisir l’ampleur du phénomène : la requête “Home interior design” sur un périmètre monde est passée de 74K recherches en février 2020 à 110k en août. En France, les services de décoration en ligne ont le vent en poupe. Chez Rhinov, des décorateurs imaginent et conçoivent votre intérieur en 3D à partir de vos plans et photos : la requête Rhinov affichait 33,1K recherches sur Google en France en août contre 18,1K en février avant le confinement.
Ce qui m’a interpellée, voire amusée, ce sont les services spécialisés dans la sublimation des pièces visibles à travers les conférences Zoom. Comme le disait très justement Eugène Wei, l’humain est un singe en quête de statut, il cherche la voie la plus efficace pour maximiser son capital social. Confinement ou pas, les fondamentaux ne changent pas ! Quelques exemples atypiques :
Kiera Kushlan et Jessica Centella ont créé la marque Residents Understood spécialisée dans la décoration d’intérieur. Face à la demande croissante de clients souhaitant améliorer leur cadre Zoom, elles ont eu l'idée de lancer un tout nouveau service : un pack de conception virtuelle dans lequel, pour 350 dollars, elles font une visite vidéo de votre maison suivie d’une consultation de 30 à 60 minutes pour lister des solutions d’amélioration de l’espace. On peut également opter pour un forfait supérieur de 1 500 $, avec un plan de conception beaucoup plus complet, un tableau Pinterest chargé de produits et de meubles choisis spécifiquement.
Restons aux USA avec Brattle Book Shop, bouquiniste de père en fils, qui vend des livres par call interposé afin d’étoffer correctement la bibliothèque en background … des calls visio. Surprenante, la démarche correspond à un phénomène bien réel qui a d’ailleurs inspiré une nouvelle chronique littéraire du New York Times : l’analyse des bibliothèques de célébrités.
Citons également le compte Twitter satirique “Bookcase Credibilité” qui analyse avec un ton délicieusement acerbe toutes les mosaïques bibliothécaires.


Biens tangibles… bien intangibles ?
Ok, le jeu de mots est peut-être moyen, il n’en demeure pas moins éclairant d’une offre en plein boum. Les décors “IRL” font également l’objet de simulations dans le sillage des Zoom backgrounds. À l’heure du digital, il faut s’adapter ! Marques, médias … ils sont de plus en plus nombreux à développer des arrière-plans sympas pour magnifier les conférences des uns et des autres.

Si le phénomène peut sembler anecdotique, il trahit un changement de taille qui s’opère sous nos yeux : les entreprises doivent impérativement repenser les expériences digitales et phygitales, notamment la création et la gestion de leurs actifs immatériels.

Il y a différentes façons de faire, comme j’ai pu vous l’expliquer il y a quelques mois déjà. Les enseignes développent des brand rooms avec logo et autres documents en téléchargement libre ; pourquoi n’auraient-elles pas des bibliothèques de digital goods adaptés à leur univers et aux besoins de leurs audiences ? Une marque de beauté pourrait proposer des filtres AR pour valoriser une gamme de maquillage via Instagram, ou monter une app façon beauty filter pour la Zoom markerplace (qui au passage ne cesse de croître, +800 à l’heure où j’écris ces lignes) qui enrichit ainsi l’expérience de ses usagers. (NB : il est déjà possible d’ajouter les filtres Snapchat à Zoom.) Là aussi, la requête est de plus en plus tapée sur Google !


Les opportunités du secteur dépassent le cadre de Zoom, elles sont en fait infinies : stickers pour les messageries privées, gifs pour les réseaux sociaux, objets digitaux pour les plateformes de jeu en ligne type Animals Crossing ou Fortnite ... Trois exemples concrets illustrent la variété des mises en application :
Fermés pour cause de pandémie, le Getty Center et la Getty Villa à Los Angeles ont recréé leurs collections de manière virtuelle ... grâce à Animal Crossing : New Horizons. Plus de 70 000 œuvres d'art ont ainsi été importées dans le jeu grâce à un outil en ligne open source et à la collection en libre accès.
La marque brésilienne Amaro - comme de nombreuses autres marques de mode du reste - a élaboré une ligne de vêtements avec l'aide du jeu Animal Crossing (encore lui). Son inspiration ? Les tenues imaginées par les joueurs. Pour sourcer ces pièces, Amaro a créé Mara, personnage devenu son influenceur virtuel ; son île virtuelle est accessible aux gamers tous les jours de 11h30 à 15h00 et de 19h00 à 21h00 (heure locale brésilienne). Les tenues inventées dans le cadre de ces interactions sont sélectionnées par Amaro pour figurer dans la collection capsule in real life ; les concepteurs du jeu reçoivent des bons en récompense de leurs efforts. Enfin, les internautes peuvent suivre l'idéation des tenues sur la page Instagram de la campagne, où 13 stylistes ont débuté le processus de conception.
L’avenir de la food réside-t-il dans les restaurants numériques ? C’est en tout cas la thèse de cet article passionnant. L’auteure y explique comment elle a utilisé Instagram pour créer Fresh Hot Delicious, un restaurant entièrement numérique spécialisé dans les desserts digitaux. Chaque dessert existe sous la forme d'un filtre AR librement disponible sur Instagram. Pour simuler un restaurant dans le monde réel, les plats se vendent lorsque les filtres AR atteignent un nombre spécifique de vues. Les utilisateurs peuvent jouer avec gratuitement jusqu'à ce qu'ils soient "épuisés" et désactivés. De cette façon, le restaurant numérique donne une durée de vie à des objets numériques auparavant permanents. Astucieux, non ?
Zoom … un business protéiforme ?
Pour sûr, les ambitions de la plateforme de vidéoconférence excèdent un simple leadership sur le marché des outils de web conférence. Le média Protocol l’évoquait il y a quelques mois déjà : les dirigeants de Zoom ne se contenteront pas de leur activité actuelle. Pour eux, Zoom va s’approprier et transformer la manière dont les entreprises communiquent. Leurs nouveaux outils vont à l’avenir remplacer les téléphones de bureau et les messageries instantanées, de nouvelles fonctionnalités d'intelligence artificielle optimiseront les réunions des technologies de pointe inédites encore renforceront la proximité et l’entente des effectifs : “Pensez-y de cette manière : WeWork voulait réimaginer le bureau comme un lieu différent. Zoom veut repenser le bureau comme un endroit qui n'existe pas du tout.”
Eric Yuan n'est pas du tout en train de mettre en place un service de chat vidéo, il construit le métavers. "Imaginez un monde où, n'importe quand, avec n'importe quel appareil et en un clic, vous avez l'impression d'être dans la même salle de conférence... vous pouvez vous voir et vous serrer la main." Et le CEO de Zoom de pointer sa tasse de café du doigt, affirmant à quel point ce serait génial qu’'il puisse aussi la sentir dans sa main. Metavers donc… et forcément pléthore d’opportunités ou de nouvelles parts de marché ?
Pourquoi pas une régie Zoom ? Nous avons massivement investi les outils de vidéo-conferencing ? Maintenant, nous voulons nous les approprier, customiser l’expérience et son background. Se pose alors la question de la publicité dans ces sphères. Je vous vois déjà froncer les sourcils, mais après tout, pourquoi pas, si c’est bien fait ? J’imagine cela de deux manières :
Une publicité assumée pour être mieux acceptée : accès freemium à des solutions de web conferencing moyennant l’inscription de publicités dans le background, publicités qu’on pourrait contextualiser en fonction du thème de la conférence. Exemple : cours de yoga + publicité liée au bien-être et au sport.
Autre option, meilleure à mon avis : s’inspirer des pratiques de placement de produit dans les films. Plus subtil, moins intrusif et donc plus facilement accepté ? Techniquement et juridiquement, cela soulève des questions, mais cela reste envisageable.
Disrupter la télé ! À quand un calendrier avec un catalogue de toutes les conférences Zoom publiques gratuites ou payantes ? Avec une salle d’attente géante pour accéder à différentes conférences simultanées ? Une sorte de hall de gare avec un système de rencontres et de discussions entre les usagers ? Évidemment, il faudrait travailler toute l’expérience numérique, mais cela permettrait de retranscrire en ligne ces moments où vous tombez “par hasard” sur quelqu’un.
Intéressant ? Farfelu ? Utopique ? Inquiétant ? Une chose est certaine : de nouveaux usages se dessinent … et vont s’ancrer de manière durable. Même la “Zoom fatigue” (qui est bien réelle) entraîne son lot d’innovations : outils collaboratifs, essor d’apps audio comme alternative, outils et méthodes de travail inédits qui concilient l’approche synchrone et asynchrone. Bref, tout reste à voir et à faire !
Restez curieux, toujours.
Marie
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