40,5K : soit le nombre de recherches sur Google pour le terme “anxiété”. En septembre 2020. Et cette requête a quasiment doublé en une année. Faut-il s’en inquiéter ? Alors que la crise sanitaire bat son plein, notre santé mentale bat-elle de l’aile ? En quoi cela influe-t-il sur nos usages digitaux ? Et la tech, comment s’adapte-t-elle ? Décryptage.
La mental tech s’emballe, tous emboîtent le pas !
Comment rester zen quand le monde s’avère incertain, incontrôlable, fou ? Comptons sur les apps et autres plateformes digitales pour nous secourir ... et il y a de quoi faire : plus de 10.000 propositions en circulation ! Rien d’étonnant : estimé à 2,3 milliards de dollars en 2022, en hausse de 14% par an, le marché est dynamique. L’offre foisonne initialement en B2C : sleetpech - les bandeaux Dreem ou Smartsleep - pour nous aider à (re)trouver le sommeil, applications de méditation et de wellness - Calm ou Headspace, psy en ligne via les plateformes Advekit ou Talkspace. La tendance s’infiltre aussi dans le monde de l’entreprise avec de nombreux services pour accompagner les employés comme Betterspace ou Moodwork. Bref le marché est exponentiel.
Pas question pour autant de sombrer dans un solutionnisme techno. Les géants du secteur cherchent à secourir leurs utilisateurs en multipliant les actions de sensibilisation et de soutien. Reddit collabore avec Crisis Text Line pour offrir une assistance confidentielle et gratuite aux utilisateurs en difficulté. Google a lancé un questionnaire clinique pour tous les utilisateurs qui cherchent des informations sur l'anxiété, Snapchat a introduit “Here for you”, un outil de recherche listant les ressources en santé mentale pour ceux qui explorent des sujets comme l'anxiété, la dépression, etc. Dropbox propose des packs de soins numériques comprenant des dossiers d'art, des recettes ; Netflix diffuse une série sur Instagram qui se concentre sur la prise en charge de votre santé mentale pendant la pandémie quand Spotify programme le Daily Wellness, une playlist zen et feelgood.
Vous vous méfiez des GAFAM et de leurs bonnes intentions ? Vous pouvez toujours trouver du réconfort auprès d’une classe particulière d’influenceurs : les thérapeutes TikTok et Instagram. La blogueuse Patricia Mou en a répertorié une bonne centaine dans ce tableau Airtable. Quelques exemples atypiques ? @notesfromyourtherapist qui présente les prises de notes d’une psy en session ou @colietaicolcsw, une thérapeute qui partage des messages pour l’enfant qui sommeille en vous.
Parions que le phénomène va continuer à s’ancrer… et s’infiltrer comme principal axe éditorial des stratégies content marketing de marques désireuses de rassurer leurs communautés ? Observez bien le glissement subtil qui s’opère des “love brands” aux “psycho brands”... on en reparlera.
Vive le social media expressionniste ?
Souvent restreinte à des versions bêta destinées aux happy few, la tendance ne brille pas encore de mille feux, mais elle n’en demeure pas moins palpable :
Notons la multiplication d’apps social media atypiques généralement qualifiées de “nostalgia apps” ou “impressionnisme digital” (Monet se retournerait dans sa tombe). Selon moi, il y a erreur sur la terminologie ; il conviendrait plutôt de parler ici d’expressionnisme qui touche de nombreux domaines quand l'impressionnisme ne concerne que la peinture. Par ailleurs, l'expressionnisme extériorise toutes les émotions tandis que l'impressionnisme les fait pénétrer en soi. Comme une forme de thérapie artistique libérant les ressentis … pour répondre à nos angoisses, notre mal-être ?
Ainsi, l’app Trash crée un vibe check, une sorte de mood board video pour dévoiler plus facilement ses sentiments.
E.gg entend débrider la créativité de tout un chacun ; précisons au passage que c’est un service de la division "New Product Experimentation" de Facebook qui a pour mission d’initier de nouvelles applications axées sur le consommateur autour de cas d'utilisation spécifiques.
Un dernier pour la route ? Monet, encore en bêta, favorise les rencontres nouvelle génération avec la baseline suivante : “dessinez votre chemin vers l'amour”. Tout un programme.
Autre axe en plein essor : l’audio (je signe et persiste). Quoi de plus intime, expressif que la voix ? Début octobre, le média américain The Information confirme la tendance en soulignant la multiplication des start-up audio alors que les investisseurs recherchent le prochain Clubouse. Ici d’ailleurs, la tendance s’observe en B2B comme en B2C.
En B2B, et je vous en ai déjà parlé, Yac entend apporter une solution à la Zoom Fatigue en se positionnant comme une app audio asynchrone parfaite pour travailler avec ses collègues.
En B2C, des apps offrent de nouvelles opportunités autour de l’écosystème des airpods, des enceintes connectées, de la folie du podcast avec, là aussi, des nouveaux formats comme Shuffle ou TL;DL, des shortcasts ou des audio snippets, version audio des micro-vidéos TikTok.
Vous l’aurez compris, les cas d’usage se multiplient, tout comme le test and learn et l’appropriation de ces nouvelles expériences. Bref, l’audio social n’a pas encore dit son dernier mot.
Lutte anti-lumière bleue et autres considérations santé/beauté
Évoquons une autre facette du consumérisme anti-anxiété. Depuis quelque temps, il semblerait que nous ayons un nouvel ennemi à combattre : la lumière bleue. Pas celle du soleil, mais celle qui rayonne depuis nos écrans, tablettes, smartphones et qui menace au quotidien nos yeux, notre moral, notre peau en suscitant du stress oxydatif, entre autres méfaits. Pour nous protéger, une panoplie d’outils et de soins : lunettes adaptées, filtres pour écran, collyres « premium », soins du visage (arme imparable contre le vieillissement dermique engendré) … eh oui, les considérations marketing ne sont jamais très loin.
Ce n’est qu’un infime segment d’une tendance plus large baptisée “dopamine detox”, en référence à un subreddit dédié. Objectif : neutraliser la plupart des tech stimulations du monde moderne pour vivre une existence plus sobre, voire minimaliste. Une opportunité marketing ? Pourquoi pas des compléments alimentaires “reset” spécifiques ? Les suppléments naturels ont actuellement le vent en poupe pour nous aider à traverser la crise sanitaire et ses frustrations. Citons le CBD (201K de recherches en France en septembre), molécule de la famille des cannabinoïdes utilisée pour apaiser douleurs, angoisses, inflammations. Initialement utilisé sous forme d’huile à diluer sous la langue, on le trouve désormais dans des boissons santé pétillantes … et progressivement intégré à d’autres aliments du quotidien dans un futur proche ? Même son de cloche pour les adaptogènes type rhodiola (22,2K recherches en France au mois de septembre). Les champignons, très plébiscités par les influenceurs healthy, se déclinent désormais sous forme de chocolat à boire ; demain une eau adaptogène, des compotes anti-stress ? Tout est envisageable pour retrouver la zénitude...
Contre la solitude, des compagnons, à quatre pattes … ou virtuels
En avril, Wamiz, le média dédié aux animaux de compagnie en Europe, annonçait un record de 2,9M de visites sur sa rubrique "Adoption" et une augmentation tout aussi notable sur les fiches de race. L’explication est simple : en plein confinement, les Français préparaient l’accueil d’un animal de compagnie. C'est à présent confirmé ! Les adoptions ont bien repris et auraient même augmenté de 10 à 15%. Volonté de combattre la solitude ? La relation des Français avec leurs petits compagnons a évolué, ces derniers sont maintenant considérés comme des membres à part entière de la famille. Les maîtres ne lésinent plus à la dépense, le marché est estimé à 5 Mds €en 2020, riche en opportunités, il innove, offre de nouveaux segments, progresse considérablement : litières connectées, pet food holistique, marques de luxe …
De nouveaux usages, digitalisés, voient le jour pour créer du lien, renforcer le sentiment d’appartenance : en témoigne l’essor du gaming et des approches communautaires verticalisées … ou le développement des avatars dans le sillon des technologies immersives.
Teooh permet de créer un bureau virtuel, avec des collègues sous forme d’avatars. Imaginez les use cases dans le domaine de la culture, du cinéma et de l’entertainement, les sensations inédites de proximité avec une célébrité, quelqu’un qu’on admire.
Rappelez-vous, je vous en avais parlé il y a quelques mois, les holotélistes. Ne cherchez pas dans le dictionnaire, c’est un néologisme de mon cru, inspiré du terme “philatéliste”. Le philatéliste collectionne les timbres ? L’holotéliste collectionne … les hologrammes. Vous doutez ?
Téléchargez l’application Jadu qui crée et vend des hologrammes d’artistes avec lesquels vous pouvez chanter et danser. D’après le fondateur, non seulement c’est très utile pour valoriser des jeunes talents, mais c’est également une manière intense de socialiser cette expérience : finie l’écoute passive d’un musicien, on télécharge son hologramme pour danser à ses côtés dans son salon. Astucieux pour combattre la solitude et valoriser son égo.
Autre exemple : Alethea AI se présente comme un studio d'avatars AI … avec à la clé la possibilité de générer un énorme "marché" de visages artificiels d’usagers, célèbres ou non, mais dont le pouvoir d’"influencer" ne sera pas négligeable. Le sujet est assurément sensible … mais néanmoins porteur.
Ces quelques exemples ne sont qu’une infime partie de l’iceberg. Si vous creusez un peu, vous verrez que les confirmations, pivots ou nouveaux usages sont nombreux. Autant de nouvelles opportunités à saisir dans un contexte morose et anxiogène ? Une sorte de lumière au bout du tunnel ? En tout cas un message commun et clair : usez de votre temps à bon escient, car demain se construit maintenant.
D’ici là restez au chaud … et curieux !
Marie
💎 Snippets, curiosités et autres coups de cœurs
🍵 Parmi mes lecteurs, des amateurs de thé comme moi ? Je vous recommande ce petit producteur et en particulier “L’Océane du Croisic”. Sa particularité, au-delà de son goût fruité ? Sa couleur une fois infusée : bleu azur grâce à la présence de fleurs de pois papillons. Chromothérapie feel good ;-)
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