L'évolution technologique a toujours été synonyme de mutation et d'adaptation. Il y a près de quinze ans, le monde était témoin d'une révolution numérique avec la montée en puissance des applications mobiles, propulsant des plateformes telles que l'App Store au cœur des interactions quotidiennes.
Au cours des dernières années, l'enthousiasme pour les applications mobiles semble s'être modéré. Malgré la hausse des revenus enregistrée par l'App Store, Appfigures rapporte un déclin des téléchargements d'applications. Cette observation est renforcée par une étude de Statista qui observe une diminution du nombre d'applications disponibles : ainsi, au troisième trimestre 2022, “seules” 1,64 million d'applications étaient recensées sur l'App Store, soit une réduction de 25% par rapport au trimestre précédent. Alors, témoignage d'une politique d’Apple toujours plus restrictive, d’une concurrence qui s'intensifie ou, peut-être, d'utilisateurs cherchant une échappatoire à une digitalisation incessante, comme le suggère le regain de popularité des dumbphones ? Toujours est-il que le phénomène s’observe aussi du côté du Play Store ou le nombre d’apps est en baisse depuis deux ans déjà.
Récemment, je vous évoquais la chute significative des téléchargements au sein du TOP 10 des applications de méditation : -75% de téléchargements et -61% de sessions depuis 2021 ! Chose fascinante, en parallèle, la requête "méditation center near me" a explosé sur Google (+82%) en seulement un an... D’où ma question : est-ce l'intérêt pour la méditation qui fléchit ou simplement le format par lequel elle est proposée ?
D’autant que cette semaine, plusieurs news m’ont interpellée. Tout d’abord, je suis tombée sur deux applications intrigantes, Breeze et Soon, présentées comme des outils de “dating offline”.
Ici, point de mode avion à l'horizon, mais des applications qui se donnent pour mission de favoriser les rencontres en face à face. Autrement dit, le digital devient un support pour le réel. Et ce n'est pas tout : ces applications se veulent faire la chasse aux comportements toxiques si répandus sur les plateformes de rencontres. Ici, les profils sont minutieusement validés par des humains et le ghosting est limité grâce à un système de consommations prépayées via des bars partenaires. À l’époque de l’ultra-connection, le concept entend rappeler que la vie se passe aussi (et surtout) en dehors des pixels.
Et cette vie offline, l’entrepreneur Maxime Barbier y croit dur comme fer. Dans sa dernière newsletter, il relate l'itinéraire tumultueux de sa start-up Timeleft. Née en avril 2020, l'ambition première de cette application était de rallumer les rêves oubliés de chacun. Mais en plein test and learn, l’équipe a finalement compris que le véritable enjeu était avant tout de reconnecter les individus. Pour autant, et malgré un financement de $2 millions pour son expansion aux États-Unis, l'entreprise a essuyé les échecs. En mai 2022, suite à une énième tentative infructueuse à Lisbonne, Timeleft change d’approche. Sayonara l’app.
Dans sa nouvelle mouture, Timeleft organise des dîners avec des inconnus, coordonnés par le biais d'un bon vieux questionnaire en ligne. Épuré, simple, straight to the point. Évitant la surcharge typique des applications, cette approche directe a rapidement trouvé un écho à Lisbonne et Porto. En seulement 14 semaines, sa communauté a atteint 17.000 membres alors que Timeleft fait son retour à Paris avec, en ligne de mire, une expansion mondiale.
Que nous révèlent ces exemples ? Ils traduisent une nostalgie, un "retour à la réalité", au concret, comme je l’écris inlassablement depuis plusieurs mois. Cependant, l’un des insights d’Appfigures ajoute un peu de nuance en affirmant que si la plupart des applications connaissent un déclin de téléchargements, les géants tels que Facebook demeurent, eux, inébranlables…
Car finalement, peut-être ne s’agit-il pas tellement de quitter les applications, mais de réévaluer nos univers numériques, entre "unbundling" (la scission des services multifonctionnels) et "rebundling" (leur regroupement en une proposition unifiée). Sachant que la quête grandissante pour des expériences plus tangibles semble jouer en faveur de la consolidation digitale. Sommes-nous à l'aube de l'ère de la "super app" ? Avec, en bonus, un effet salvateur pour notre charge mentale numérique ? Si le parfait time to market existe, c'est sûrement maintenant.
La démarche aussi discutable qu’audacieuse du rebranding d'Elon Musk semble en être un signe avant-coureur. Et il n'est pas le seul puisque Meta cherche résolument à imbriquer l'e-commerce à ses écosystèmes et à multiplier les services. Mais le terrain de jeu a changé depuis leurs débuts dans les années 2000, et c’est sans doute pour cela qu’ils tendent à pivoter en conglomérats utilitaires. Leur nouveau rôle, faciliter le quotidien d’utilisateurs de plus en plus connectés …. au monde réel ?
MD
Toujours aussi pertinente ! Merci Marie
Super intéressant comme d’habitude ! Surtout après les statistiques qui prouvent une forme de plateau sur le temps passé quotidien. Il y a sans doute aussi un nouveau rapport aux usages (ie: je me connecte à mon app pour le jogging vs j’ai un fitbit) qui invite à repenser l’interfacage avec les plateformes et l’ouverture d’une app vs son utilisation plus passive.