À une époque, percer les tendances était considéré comme l'apanage des visionnaires. Mais aujourd'hui, la vraie tendance semble se dérober dans la non-tendance, où le moins dévoile subtilement le plus. En effet, en vous plongeant dans ce Google Drive qui regorge de +120 rapports sur les tendances de 2024, vous sentirez poindre une indigestion intellectuelle digne des festivités de fin d’année.
À l'origine, j'avais envisagé de rédiger un article, 'Tendances Composites', destiné à souligner les éléments clés de ces rapports de fin d'année. L'idée de développer un agent personnalisé, un rétroviseur révélant les angles morts, m'avait initialement galvanisée, mais en y repensant, je me suis demandée : ne risquais-je pas simplement d'ajouter du bruit au bruit ? De faire ce que tant d'autres vont faire ?
Puis, ce matin, en contemplant un dessin de ma fille (que voici pour vous), j'ai eu un déclic : et si ce que je cherchais à faire était, en réalité, un collage ? D'ailleurs, dans le titre original de mon article, il y a le mot "composite," qui évoque également ce concept, n'est-ce pas ? Peut-être que le collage, dans sa simplicité et sa complexité, est le fil conducteur qui relie tout ? Car je ne cherchais pas simplement une autre tendance – comme vous l’aurez compris, le mot lui-même sonne creux aujourd'hui –, mais un véritable marqueur de notre temps.
Jugez plutôt :
Spotify Wrapped ? Un collage.
Les mèmes ? Un collage.
Threads ? Un collage.
Arc, ce navigateur à la mode ? Un collage.
Amo, le nouveau réseau social des fondateurs de Zenly ? Un collage.
Les deepfakes ? Un collage.
ChatGpt ? Un collage.
La culture du dupe ? Un collage aussi.
…
Le collage, bien qu'ancien dans ses origines, symbolise un contraste saisissant avec la pratique du palimpseste qui caractérisait nos civilisations antérieures, où l'effacement et la superposition étaient monnaie courante. Ce contraste s'est amorcé de manière remarquable au cours du 20ème siècle et continue de gagner en influence.
Mais comment alors stratégiser autour de cette culture du remix, notamment du point de vue des marques ? Comment intégrer et exploiter ce phénomène ?
Autrefois, les marques dictaient une dynamique top-down à leurs consommateurs. Mais avec l'avènement des réseaux sociaux, la donne a changé : la relation est devenue bidirectionnelle. Malgré une montée en puissance de la co-création et de la collaboration ces dernières années, ces initiatives sont souvent restées périphériques, loin d'être at scale. Aujourd'hui marque le début d’une nouvelle ère, celle du 'brand remix'. Ici, les outils d'IA générative ne sont pas simplement des facilitateurs, mais des catalyseurs d'une ère de 'selfpressionnisme', un concept que j'évoque fréquemment.
Dans ce contexte inédit, marques et consommateurs fusionnent dans un espace créatif commun, redéfinissant ensemble les frontières de la création et de l'engagement. Observez les early-adopters : Nike s'immerge dans la culture du remix avec "Swoosh" pour offrir de nouvelles expériences de marque. De même, Google a intégré Emoji Kitchen à Google Search, permettant aux utilisateurs de créer des emojis personnalisés en combinant deux emojis existants. Sans oublier Absolut Vodka, qui en mai 2023 a lancé 'Mix Your Neighborhood' au Canada, collaborant avec les habitants pour créer des cocktails générés par IA, inspirés des caractéristiques uniques de chaque quartier.
Pour approfondir cette réflexion : face au sarcasme suscité par la bûche de Noël (moche) du pâtissier Grolet, ne pourrait-on pas envisager que l'objectif du pâtissier était de provoquer la discussion sur les réseaux sociaux, en incitant à la création de mèmes et de montages humoristiques autour de sa création ? Cela nous ramène au débat éternel : est-ce que tout buzz est bon, même le mauvais, surtout à une époque où tout semble si parfaitement lisse ?
Dans une société en perpétuelle fragmentation identitaire, où chacun puise dans la culture pour façonner sa propre essence, le remix se pose en reflet de notre complexité. Est-il un mouvement cyclique, un retour nostalgique aux racines, ou bien une nouvelle forme d'innovation par l'évocation ? Peut-il également apporter un réconfort dans un monde où la technologie évolue à une vitesse déconcertante ou répondre à notre quête croissante de durabilité ?
Les réponses à ces questions, peut-être insaisissables, pourraient bien être les clés du collage complexe qui reste à créer.
MD
On en revient d’ailleurs aux origines de l’acte créatif : la bisociation! Dans le vocabulaire de Koestler, il y a bisociation quand deux cadres de référence se rencontrent: un collage finalement?