Il y a quelques semaines, je vous parlais de ce tournant dans la photographie : ses débuts voulaient figer le visible, quand notre époque s’emploie à le sublimer à coups de filtres. Aujourd’hui, à une ère où la réalité vacille, une nouvelle quête s’impose : non plus capturer ce qui se voit, mais libérer ce qui défie le regard et qui se ressent dans les interstices du tangible, là où naissent les intuitions.
Par exemple, la Poetry Camera, qui remplace chaque photo par un poème ou l’app Soft, capable de capter le rythme de votre environnement pour transformer chaque image en une œuvre vivante. Et puis, il y a Paragraphica, guidée par l’IA générative, qui capte le murmure des lieux à travers leurs données, les traduit en mots, puis en images, révélant ainsi une nouvelle facette du réel.
Aujourd’hui, je veux prolonger cette réflexion en partageant une idée fascinante de Jean-Yves Le Moine : le “cinéma cognitif”. Un concept qui ouvre une nouvelle étape dans notre rapport aux images et à la narration, et repense notre lien au réel et à nous-mêmes.
L’art des images en mouvement
Si la photographie nous a donné l’image fixe, une fenêtre figée sur le monde, c’est le cinéma qui a introduit le mouvement : une série d’images projetées dans une continuité qui simule la réalité.
Lors de la première projection de L’arrivée du train en gare de La Ciotat, les spectateurs, stupéfaits, ont reculé dans leurs sièges, convaincus que la locomotive allait surgir de l’écran et les écraser. Ce moment était une révolution : l’illusion devenait palpable.
Mais au fil du temps, cette magie brute s’est distancée du réel. Le cinéma est devenu un artifice. L’écran s’est éloigné, les spectateurs se sont habitués à cette séparation entre l’image et eux. Pour raviver la sensation d’immersion, on a ajouté du spectaculaire : des effets spéciaux, des explosions de réalisme, des images en relief. On a tenté d’inviter le spectateur à "entrer" dans l’image grâce aux technologies immersives – lunettes, casques de réalité virtuelle – mais ces interfaces, aussi prometteuses soient-elles, peinent à transcender leur propre mécanisme.
Je me souviens de ma première expérience avec un casque de RV : les grands sommets s’étendaient à perte de vue. Pourtant, une fois le casque retiré, un vide étrange subsistait. L’expérience, aussi saisissante soit-elle, semblait déconnectée, elle ne m’appartenait pas vraiment. C’était comme être projeté dans un monde spectaculaire sans jamais pouvoir réellement l’habiter. Alors, comment dépasser cette frontière ?
Quid du futur ?
Si nous ne pouvons amener le spectateur « dans » l’image, pourquoi ne pas amener l’image en lui ? Les technologies actuelles explorent déjà cette voie : implants neuronaux, dispositifs capables de créer des expériences directement dans le cerveau. Mais faut-il aller si loin ? L’avenir réside peut-être ailleurs.
C’est là qu’intervient le cinéma cognitif. Ici, les images ne sont plus projetées sur un écran, ni créées par des dispositifs extérieurs. Elles naissent dans l’esprit même du spectateur, guidé par une narration qui stimule son imagination. L’histoire devient une co-création unique, une rencontre entre le récit proposé et l’univers intérieur de celui qui le reçoit.
Comme l’explique Jean-Yves Le Moine : « Avec le text2reality, le spectateur ne se contente plus de voir un film : il le vit, littéralement. Il ne regarde plus des rêves fabriqués par d’autres, mais compose son propre rêve et le traverse éveillé (text2dream). Et à l’horizon, lorsque l’IA deviendra quantique, ces rêves pourraient même influencer nos perceptions tangibles de la réalité (text2life). »
Dans cette vision, le réel ne serait plus simplement expérimenté, mais transformé, réinterprété et façonné par chacun selon ses propres désirs. Ce ne serait plus une expérience passive, mais un espace malléable, où l’imaginaire deviendrait un outil, un terrain fertile pour créer son propre monde.
Cette idée rejoint intimement mes réflexions sur ce que je nomme le selfpressionnisme, le grand courant artistique du 21ᵉ siècle. Autrefois, nos ancêtres exploraient des terres lointaines ; aujourd’hui, les grands espaces s’éveillent en nous, horizons encore inexplorés. Albert Dupontel l’exprimait bien : « Le but, ce n’est pas de faire du cinéma, mais son cinéma. » Et bientôt, ce cinéma ne sera plus seulement vu, mais vécu, ressenti, profondément personnel.
MD
Jean-Yves Le Moine, ingénieur de formation, s’est fait remarquer dans les industries créatives comme réalisateur et producteur, en intégrant les dernières innovations visuelles dans des projets internationaux. Aujourd’hui, en tant que co-fondateur de la société de production HUMAN2AI, dont je vous recommande le Substack, il se spécialise dans les workflows IA et développe des solutions alliant technologie de pointe et créativité humaine.
Et pour la petite anecdote, au détour d’un café, Jean-Yves m’a confié son objectif de vie… que j’aime beaucoup. A lire ici.
Ca me fait penser à ce qu'on fait vivre dans des séances d'hypnose : un voyage au travers de l'imaginaire, en activant le VAKOG (Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif) !
Passionnant !! Et merci pour la découverte de la Poetry Camera et de Paragraphica 😍