Newsletters : le marché s’emballe !
Substack, Ghost, Revue … : grâce à ces outils, les newsletters reviennent en force pour permettre aux adeptes de la “Passion Economy” de percer.
Hobby lucratif ? Réseau social intimiste ? Média du futur ? Décryptage d’un marché qui attise les ambitions.
🗺️ Un écosystème en effervescence
Lorsqu’on pense newsletters, on pense au contenu et à la plateforme … et bien souvent la réflexion s’arrête là. À tort. Colossal, le marché qui se structure devant nos yeux s’ancre de manière plus large dans l’écosystème de la Passion Economy et du community building pour impacter le monde des médias, de la communication et du marketing. C’est tellement vaste que cela mérite une cartographie, “work in progress” dans lequel je me suis lancée avec une certaine délectation. 👇🏻👇🏻 D’ailleurs, si vous voulez compléter cette map, voici également le google doc public et collaboratif ou vous pourrez accédér directement à tous les liens.
Au cœur de cet écosystème, les plateformes qui permettent l’édition de newsletters, tout particulièrement celles qui proposent des solutions propres aux créateurs, à distinguer des offres lambda privilégiant l’emailing de manière générale. Notons quelques particularités.
L’émergence des blogletters : Substack propose une newsletter associée à un site et pas l’inverse. Autrement dit : on crée une newsletter, et à partir du moment où l’on clique pour l’envoyer à son audience, l’article est simultanément publié en ligne. Ce système permet à la fois de chérir ses audiences et d’attirer les curieux puisque le site où est éditée la newsletter est construit avec de nombreux call-to-actions qui incitent à s’abonner. Tout est fait pour que l’internaute de passage s’inscrive. Autre particularité : les formats “questions - réponses” (exemple ici avec l’excellent Substack “101 Equity”) qui permettent de générer des articles conversationnels renforçant la connexion avec ses lecteurs.
Un média incarné : ici on s’abonne avant tout à une personne parce qu’on recherche un lien direct avec le cerveau des gens. Une connexion qui génère une relation presque personnelle, de la confiance, un sentiment de fidélité unique ; c’est au demeurant ce qui explique les taux d’ouverture qui explosent. Avec de l’emailing classique, on atteint en moyenne et très péniblement les 20-30 % d’ouverture sur une liste qualifiée ; avec une blogletter, on double ce résultat ; la preuve avec votre humble servante qui affiche entre 60 et 70% d’ouverture pour chaque newsletter. De quoi faire baver tout email marketer qui se respecte !
Gratuit VS payant : si Substack ou Ghost permettent également de monétiser ces newsletters, tous les outils ne le font pas. Il existe d’autres briques pour la monétisation comme Memberful ou Patreon ; je ne les ai pas inscrites sur ce mapping car elles ne sont pas spécialisées en newsletters. Par ailleurs, tout le monde ne fait pas le choix de la monétisation. D’après certains experts du sujet, on pourrait envisager de monétiser à partir de 1000 abonnés et 50% minimum d’ouverture dont 10% débouchant sur du payant.
🤗 Le nerf de la guerre ? Le community building !
Autre élément incontournable de la blogletter : le “knowledge base”, à savoir des outils qui encouragent la prise de note, la structuration d’idées, la construction d’argumentaires ... bref une antichambre de l’intellect, un espace d’expression conçu comme un second cerveau pour les créateurs. Les Américains appellent ce processus le “digital gardening.” J’en ai du reste déjà parlé dans mes précédents articles. Personnellement, je jardine digitalement via Bear et Notion et je vais rendre mes comptes publics dans les prochaines semaines, si cela vous intéresse, you’re welcome. Ce qui nous amène à aborder une autre spécificité de ces newsletters nouvelle génération : elles sont de plus en plus fréquemment associées à des groupes, chats ou plateformes communautaires.
Créer et générer du contenu pour et avec ses audiences : passionnant, non ? Et crucial. Surtout quand on réalise que le community builder, c’est le créateur lui-même. Personnellement, j’ai privilégié Telegram plutôt que Whatsapp pour animer la communauté In Bed With Tech. Et je reste persuadée que les marques qui créent des contenus vont devoir intégrer cette démarche communautaire dans leurs futures stratégies de communication. En fait, je l’observe déjà, comme en témoigne un mail que j’ai dernièrement reçu, suite au téléchargement d’un livre blanc (au demeurant passionnant et que j’ai partagé sur le compte Telegram d’In Bed With Tech ici).
Attention cependant ! On ne construit pas une communauté sans avoir préalablement acquis confiance et crédibilité. David Spinks, expert américain sur le sujet, est formel sur ce point : "Les entreprises échouent dans leur communauté lorsqu'elles la traitent comme une tactique au lieu d'en faire un élément essentiel de leur philosophie d'entreprise. Les communautés ne sont pas simplement des extensions de vos équipes de marketing ; la "communauté" n'est pas une stratégie efficace à court terme. Lorsque la communauté est un élément essentiel de votre philosophie d'entreprise, elle peut faire bien plus que vous donner des rendements à court terme”.
💥 Client mail ? Flux RSS ? Apps ? Halte au débordement !
Qui dit éclosion de newsletters en tout genre dit risque de débordement. Il est temps de s’organiser. Doit-on utiliser sa boîte mail ? En créer une dédiée ? Faire des sous-dossiers ? C’est un vrai sujet, croyez-moi : étant abonnée à une bonne trentaine de newsletters, pour la plupart hebdomadaires, j’ai dû classer l’ensemble pour m’y retrouver. C’est vital. Petite anecdote qui illustre mon propos : hier j’ai reçu une notification de souscription à ma newsletter venant d’une adresse mail pour le moins étonnante : elle était composée du nom de ma newsletter, à savoir inbedwithtech @ l’extension d’un nom de domaine inconnu (en cours de construction). Curieuse de nature, j’ai écrit à ce mystérieux interlocuteur pour déterminer s’il s’agissait d’un processus de veille particulier ou d’un business en cours de création.
Ce contact, que je nommerai JK, m’a très gentiment répondu en m’indiquant qu’il utilise une adresse par newsletter, que toutes ces adresses sont collectées sur une seule. Ainsi, si son mail est "partagé" par un éditeur, il identifie lequel ; si une désinscription ne "fonctionne pas", il redirige l'adresse vers une autre qui lui sert de "poubelle". Il peut ainsi séparer les newsletters des autres courriers (pour ne pas noyer son inbox perso et choisir plus facilement à quel moment il lit les newsletters). Et d’ajouter que ce système s’opère pour le prix modique d'un nom de domaine (moins de 10€/an). Bref, j’adore, même si le process peut sembler complexe (pas tant que ça au final).
Si vous préférez agir plus simplement, il existe d’autres solutions :
La plupart des flux RSS commencent à prendre en compte l’intégration des newsletters (Innoreader l’a déjà fait et Feedly a indiqué dans un tweet que c’était en cours) ; quand ce n’est pas le cas, sachez qu’il existe un outil très judicieusement nommé Kill the newsletter qui permet de transformer n’importe quelle newsletter en flux RSS.
D’autres “newsletter apps” permettent de centraliser tous ses abonnements en un seul et même point. Les services fournissent un mail dédié que vous utilisez pour vous inscrire. Exemple : marie@stoopinbox.com. Certains services comme Supscrib permettent de s’inscrire ou de se désinscrire à des newsletters de façon anonyme. Il est bien souvent possible de browser et de découvrir de nouvelles newsletters souvent plébiscitées par les utilisateurs.
On voit aussi arriver des nouveautés au niveau des clients mail. J’ai renseigné SuperHuman, même s’il n’a pas vraiment de fonctionnalités dédiées aux newsletters car cela reste un service innovant de ces dernières années. Actuellement en version bêta, Hey fait déjà beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux en voulant dépoussiérer nos inbox ou plus précisément nos imbox (le m vaut pour “iMportant”). Flux dédiés pour les newsletters et contenus longs via “the feed”, options de screening … nécessaire et attendue, cette révolution devrait stimuler les acteurs historiques, en inspirer de nouveaux. C’est même une certitude.
Enfin, des outils tels que Leave me Alone ou Cleanfox permettent de cleaner son inbox du trop plein et de la médiocrité. Vaste sujet au demeurant, dont nous reparlerons si ça vous tente.
📩 Newsletter discovery : un business en marche ?
Comment dénicher de bonnes newsletters ? Cette problématique en appelle une autre : quand on est créateur, qu’on part de zéro, qu’on n’a pas d’audience, il peut être très frustrant de prendre le temps d’écrire pour une communauté réduite. Cela peut en décourager plus d’un, qui jette l’éponge avant même d’avoir commencé. C’est fort dommage car il y a un intérêt réel et poussé pour ces contenus émergents, riches d’informations et qui portent d’autres manières de voir le monde. Aux Etats-Unis, les propositions intéressantes se multiplient, qui dépassent le stade du simple annuaire pour cibler les newsletters qui vont changer la donne.
Ainsi Newsletter Stack est bâti autour d’une communauté de curateurs de newsletters.
LetterDrop (pas encore officiellement lancé) se considère comme le “product hunt” des newsletters, avec notamment un système de vote par les audiences qui permet in fine de valoriser les meilleures publications, même les plus récentes ! La baseline de ce site : "faire émerger des newsletters follement géniales."
Letterlist est selon moi l’exemple le plus intéressant. Il s’agit de faire émerger les meilleures newsletters de façon très sélective et éditorialisée, avec des interviews de chaque créateur. La crème de la crème… avec monétisation à la clé !
C’est dans l’air du temps. Améliorer le rendu d’une newsletter, la marketer ... Je ne serais pas étonnée de voir les pratiques évoluer dans ce sens, avec des outils dédiés, et qui sait un jour de la formation spécifique, des cursus en ligne ? Un syndicat ? Pour sûr, les communautés se multiplient : je fais partie d’une communauté Superstackers sur Whatsapp, d’AirParty, un club pour les community builders aspirants ou encore de Community Chat sur Slack. Aux USA, la modèle prend forme. Mais il y a encore trop peu d’acteurs français dans cet écosystème.
Or, je suis convaincue que les opportunités vont se multiplier dans l’Hexagone, pour la simple et bonne raison que des créateurs en langue française, il y en d’excellents, qui apportent de nouvelles visions, de l’audace créative. Il va falloir les mettre en évidence, les épauler, bref ouvrir la voie à des démarches “communication” et “marketing” communautaires propres à une approche culturelle européenne. C’est même une nécessité à l’heure où les audiences délaissent les réseaux sociaux horizontaux pour des réseaux verticaux et des canaux dark social.
J’ai pas mal de convictions à ce sujet :
sur la créativité et l’émergence de nouveaux formats (ainsi cette newsletter qui vous envoie une sélection de musique hebdomadaire ou cette newsletter bande-dessinée) ;
sur le futur de ces créateurs, les business qui vont en découler. C’est au demeurant déjà amorcé, Matt Sherman, spécialiste du M&A de communauté, relate sur son Substack sa stratégie d’acquisition de newsletters Substacks. Oui, vous m’avez bien lue. Et c’est à lire ici.
sur les modèles de monétisation qui vont aller bien plus loin que du sponsoring ou de l’abonnement ;
sur les menaces et les opportunités de ce shift pour les marques qui en sont encore bien souvent à réfléchir à des branded stickers ou des gifs afin d’atteindre leurs communautés sur les canaux dark social.
🙋 Vous aussi avez des convictions à ce propos ? Des commentaires ? Des interrogations ? Je vous invite, via ce bouton, à accéder à une page de Q/A dédiée à ce post, où vous pourrez me poser toutes les questions que vous souhaitez. The floor is yours, comme diraient les américains !
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