7 Comments
User's avatar
Philippe47's avatar

Complètement d'accord mais ... mais ce mot, le mot "flou". Fichu mot qui, ayant la même étymologie que le verbe "flouer", qui désigne aussi l'intention de tromper. Or le malentendu ne suppose pas nécessairement une intention de tromper.

Aïe, ça m'embête.

Et si ...

Et si, indépendamment de l'outil qu'il est aussi, le langage était d'abord un repère ? Un repère fait d'Histoire, d'usages, de sens (au pluriel <=> polysémie) et donc synonyme de culture dans ses représentations, ses pratiques et ses sous-entendus.

Et le malentendu devient rencontre mettant à l'épreuve l'ouverture à l'Autre. La polysémie permet le chiasme et d'une seul coup "il faut choisir de vivre simplement pour que d'autres puissent simplement vivre". J'attends le premier chiasme artificiel avec impatience ... Et des néologismes aux oxymores, loin de tout "sémanfoutoir" le brouillard devient lumineux.

Il y a effectivement quelque chose de magiquement humain dans une Rencontre, même lorsqu'elle est uniquement épistolaire. Parce que si j'écris "Boris Vian ça s'écrit à la trompette", l'IA ne comprendra rien, alors que mon interlocuteur/trice, si.

Mais que je sois honnête : je ne trouve pas de remplaçant satisfaisant. Et l'idée d'un garde-flou ne m'enthousiasme pas.

Alors merci Marie Dollé.

Expand full comment
Marie Dollé's avatar

Merci pour ce commentaire : fin, drôle et délicieusement décalé. Tout ce que j’apprécie.

Je pousse rarement un mot sans en vérifier les coutures, mais vous m’avez rappelé que le flou peut aussi flouer ... et que les contours troubles ne sont pas toujours inoffensifs. C'est vrai !

Mais je continue à croire qu’il y a, dans ce mot, une forme d’hospitalité : quelque chose qui laisse place à l’imprévu, au pas de côté, à l’interprétation flottante ... parfois fertile. Un peu comme votre sémanfoutoir : ça sonne joyeusement instable, et ça ouvre plus de portes que ça n’en ferme.

Et cette phrase sur Boris Vian, quel bijou ! Elle résume ce mystère : comment l’on s’accorde parfois, à travers des notes que personne n’avait prévues.

Vraiment, merci :)

Expand full comment
Bernard Challiol's avatar

Quand je lis le commentaire de @Philippe47, je me dis qu'il y a des esprits brillants, fins et qui sont capables d'avoir un point de vue aussi intelligent qui fait du bien ! Et c'est étonnant de s'apercevoir que le fonctionnement de ta communication @Marie avec nous, lecteurs de tes posts, est à l'image de la communication de l'IA, en half duplex : tu nous proposes une réflexion, une idée, une pensée, et nous au travers des commentaires, réagissons ;-)

A quand une proposition d'un live avec toi et tes lecteurs autour d'un full-duplex ?

Expand full comment
Bertrand Huguenin's avatar

Sans aspérités, sans failles, sans vulnérabilité… c’est vide en somme !

Comme un bon vieux morceau des années 60 avec son grain, son changement de pitch et de justesse… les ratés lui donnent vie, créent la singularité, comme pour chacun de nous d’ailleurs.

Ça me fait rebondir sur la notion d’information, dans un échange le verbal est finalement moins vecteur d’infos que le paraverbal et le non verbal dans l’impression qui ressort de l’échange.

Qu’est ce qui se véhiculerait donc le plus dans un échange ? La danse d’ajustement elle même ?

Ça me renvoie également au Perfection vs robustesse de Olivier Hamant.

La perfection m’est insipide. Même accoutrée de son illusion d’harmonie.

Merci pour ce partage Marie Dollé.

Expand full comment
pascal52's avatar

Je suis assez d'accord sur la valorisation du "flou" dans l’échange inter-humain (laisser la place à à la force créatrice de l'imagination, à la liberté d'agir, de réagir, aux chemins de traverse, etc.) Mais parfois, il laisse aussi la place à l'imprécision, à l'attente de réponses qui ne viennent pas, à l'impossibilité d'agir, à l'incompréhension, à l'immobilisme, à l'imprévu inopportun, à l'attente déçue, etc.

Toujours est-il que ce concept et, plus encore, sa déclinaison dans la construction du raisonnement et de l'échange humains, est un excellent argumentaire pour expliquer en quoi le cerveau humain et l'IA peuvent se différencier. Je vais largement l'utiliser dans les formations/sensibilisations que je dispense sur l'IA.

Il y a une expo à Paris en ce moment sur le flou dans l'art au musée de l'Orangerie (https://www.musee-orangerie.fr/fr/agenda/expositions/dans-le-flou-une-autre-vision-de-lart-de-1945-nos-jours) .

Sans doute nous y croiserons nous, un jour, un signe de reconnaissance (une trompette ?) ... qui sait ?

Expand full comment
Carabolle's avatar

Magnifique billet qui rend si bien compte de la complexité d'une relation humaine entre jeux de miroirs, attentes, rêves et désillusions

Expand full comment
Christian Riedi's avatar

Plusieurs commentaires :

- comme on ne le sait que trop bien, la communication ça ne sont pas deux personnes qui se parlent et s’écoutent m, elles se regardent, elles grimacent, elles croisent les bras, elles se font passer des émotions avec les mots mais aussi et même autant avec le corps.

Autant d’éléments qui ne sont pas encore accessibles à la conversation chat.

- Ron Dunbar dans Friends évoque la théorie de l’esprit tout droit sorti des années 1970 pour décrire chez les mammifères les plus développés la capacité cognitive à projeter ce que dit l’autre, et cela a plusieurs niveaux parfois : elle dit ça, parce qu’elle suppose que je pense ceci quand je veux dire cela etc…

Des niveaux d’intentionnalité qui peuvent remonter à 5-6 niveaux !

- Pierre Michon dans J’écris L’Iliade, élaboré une théorie des langages qui a une source masculine et une source féminine et qui naissent à une époque où les tâches sont très genrées et sont donc le reflet de préoccupations sociales très différentes d’où un hiatus irréconciliable, proche de ce que tu décris d’ailleurs d’un décalage permanent (“et dire que j’ai gâché ma vie pour une femme qui n’était pas mon genre”)

Expand full comment