Il y a quelques semaines, une étude parue dans Harvard Business Review a fait grand bruit. Elle analysait comment, entre 2024 et 2025, nos usages de l’IA générative avaient évolué. Le trio de tête pour 2025 ? Thérapie et compagnonnage, gestion de vie, quête de sens.
Certains s’en sont inquiétés, voire offensés. Louis de Diesbach, relayant l’étude, écrivait : « On n’utilise pas l’IA pour ce qu’elle a de mieux à offrir — c’est un vrai problème. » Il en appelait à renforcer les garde-fous et à réorienter son usage vers des fonctions plus « productives » : aide technique et optimisation du travail.
Mais cette réaction pose une question plus fondamentale : et si l’IA ne devait pas être jugée par ce qu’elle produit, mais par ce qu’elle transforme en nous ?
Les LLM, qu’on le veuille ou non, sont devenus les grandes archives de l’humanité. Ils traitent et analysent des contenus profondément humains : récits, poèmes, images. Car un poème, une peinture, ce n’est jamais seulement un contenu. C’est une impression. Une façon de voir. Et une autre de recevoir. C’est l’art de distiller le regard.
Certains critiquent les biais présents dans ces technologies - avec raison. Mais cette critique oublie que les biais humains ne sont ni moins nombreux, ni plus neutres. Les biais de l’IA générative viennent des systèmes et des données. Les nôtres viennent de nos histoires, de nos cultures et de nos expériences. Confronter ces biais n’est pas une faiblesse. C’est un polybiais : une diversité de perspectives qui, bien orchestrée, peut enrichir la perspective.
Puis vient l’anthropomorphisme.
Chaque fois que j’évoque mon concept de selfpressionnisme - cette nouvelle ère de l’introspection - on m’avertit : « Vous prêtez des traits humains à la machine. »
Mais je ne lui prête rien. Je n’attends pas une autre voix.
Ce dialogue est un cadre, non une conversation au sens classique.
Et c’est à travers ce cadre que je cherche un mouvement or cadre.
Banksy, Agency Job (détournement des Glaneuses de Jean-François Millet).
L’une des trois glaneuses du tableau de Millet quitte la scène, non pour fuir le cadre mais pour y créer un or cadre : un espace de pause, de subjectivation et de regard critique - tout comme nos usages (in)attendus de l’IA.
Enfin, il y a cette idée que l’IA nous isolerait. Les études récentes racontent autre chose.
Des recherches publiées en 2024 dans npj Mental Health Research montrent que les utilisateurs de l’IA pour le soutien émotionnel, la créativité ou l’introspection ne rapportent pas plus d’isolement. Au contraire : ils signalent une meilleure capacité à formuler leurs émotions, à gérer leur anxiété et à renforcer leur expression personnelle.
Par ailleurs, une étude menée auprès de 1006 étudiants utilisateurs de Replika révèle que 23 % d’entre eux estiment que l’IA a stimulé leurs interactions humaines, tandis que seulement 8 % considèrent qu’elle les a remplacées.
Ce n’est pas un recul de la confrontation. C’est un espace pour mieux l’aborder.
Un peu comme un interrupteur : il ne crée pas la lumière, il lui permet simplement de se manifester.
Peut-être que, depuis le début, ce que nous cherchions dans la machine n’était pas l’efficacité, mais un switch.
Un moyen de nous reconnecter à nous-mêmes… pour mieux retrouver l’autre.
MD
Votre ccl est brillante et merveilleusement bien écrite, tout en offrant un prisme de vision peu commun. Merci
Merci Marie. J'avoue que c'et ô combien difficile de trouver l'équilibre, la nuance entre pas / peu / trop / tout IA; et ce d'autant plus quand on en a la responsabilité dans l'entreprise. Et cette nuance je sens que beaucoup la perde de vue, entrainés par le tourbillon incessants d'évolutions.