Alors que les newsletters next gen’ sont revenues en force il y a quelques années, l’annonce du licenciement de 14% des effectifs de la plateforme de publication Substack interroge. Le début de la fin ou l’aube d’un renouveau ?
Un format qui offre de nombreux avantages…
Substack, Ghost, Revue by Twitter… autant de plateformes qui ont remis au goût du jour un format newsletter jusqu’alors tombé dans les limbes de la ringardise. Pour ce faire, ces acteurs ont su miser sur une promesse alléchante, à savoir la garantie d’une liberté éditoriale et financière pour les créateurs de contenus et une relation plus forte avec les audiences.
Comme je l’expliquais déjà en 2020, tout un marché d’outils s’est progressivement développé pour accompagner les éditeurs de newsletters, qu’ils soient journalistes en quête d'indépendance, experts dans leur niche ou curateurs. L’objectif en ligne de mire ? L’indépendance, bien sûr, mais aussi, la monétisation. Si, concrètement, les abonnements se sont révélés être l’apanage de quelques happy few - on compte tout de même un million d’abonnés payants chez Substack -, nombre de créateurs ont su trouver des alternatives pour générer des compléments de revenus, entre génération de leads pour des prises de parole ou du consulting et monétisation de rapports en sus.
Il faut dire que le format a de nombreux atouts. Premier bon point, et pas des moindres : il permet de s’affranchir des algorithmes liés aux plateformes sociales. Par ailleurs, la newsletter renforce le sentiment de proximité dans la mesure où il s’agit d’un média incarné : on s’abonne avant tout à un auteur parce qu’on recherche un lien direct avec sa personnalité, sa vision, son style éditorial. C’est cette connexion si particulière, si intime, qui explique sans doute les taux d’ouverture exceptionnels de ces newsletters à savoir entre 50 et 60%, contre 30% en moyenne pour une newsletter classique en B2B ou B2C. Qui plus est sur une base déjà qualifiée.
…mais qui n’a pas encore livré toutes ses promesses !
Pour autant, ce format n’est pas exempt de pain points. Par exemple, persuader les jeunes de souscrire à un abonnement payant reste un problème crucial. Selon le Digital News Report publié par l’Institut Reuters, l'âge moyen d'un abonné à une source d'information payante serait ainsi de 47 ans, excluant de fait les nouvelles générations.
Citons ensuite les - trop - longs délais de déploiement de nouvelles fonctionnalités. Substack est ainsi souvent pointé du doigt pour sa lenteur dans l’intégration de nouveautés. Si les features, comme les recommandations de newsletters, arrivent au compte-gouttes, il reste encore énormément à faire pour aider les créateurs à viraliser leurs écrits et faire croître leurs bases d’abonnés, le nerf de la guerre.
Enfin, de manière générale, on peut avancer le fait que les expériences autour des newsletters restent cloisonnées et quelque peu basiques. Basées sur une technologie archaïque, elles ont du mal à s'intégrer dans des expériences plus complètes alors que justement, les publics plus jeunes recherchent des interactions plus riches à l'image des formats qu’ils consomment sur TikTok.
Transformer ses audiences en communautés.
Au-delà de ces challenges, le véritable défi qui reste à relever est celui de mettre en place une démarche communautaire forte autour des contenus. “Come for the content, stay for the community” dit l’adage américain !
Et ce n’est pas tout. Comme l’explique Sari Azout : "Ce que je trouve intéressant, c’est la différence entre un contenu public et participatif. Le contenu peut être public et accessible à tous, mais cela ne veut pas dire qu’il est ouvert à la participation de tous, il faut s’investir et s’abonner si l’on veut participer et avoir une relation avec le créateur. (...) L’information est devenue une commodité, ce qui importe c’est la valeur relationnelle”
En d’autres termes, certains fans sont prêts à payer pour bâtir une forme d’échange avec un auteur : de quoi explorer de nouveaux business models… Sans oublier qu’une communauté devient réellement communauté lorsque les interactions dans le groupe ont lieu sans même l’intervention du créateur !
C’est ici que le concept de communauté tokenisée entre en jeu. En substance, il s’agit d’une communauté qui se construit et évolue via un token qui tient lieu d’élément organisationnel en intégrant des objectifs de vote liés au financement, à la planification, etc. Si ce modèle en est encore à ses balbutiements, il existe de plus en plus d’outils Web3 comme Coinvise qui permettent de développer des communautés tokenisées quelle que soit la verticale, ainsi que des outils dédiés spécifiquement aux créateurs de contenus tels que Mirror ou encore Paragraph, qui se positionne en concurrent direct de Substack. Comment ? En offrant une expérience d’éditeur complète avec les fonctionnalités Web2 - publication de posts gratuits, noms de domaine customisés… - mais en allant un cran plus loin en ajoutant une brique Web3 jusqu’à présent inexistante sur les autres outils de publishing. Parmi ces nouvelles fonctionnalités, citons la possibilité de souscrire à un abonnement via son wallet, l’intégration de formules de membership sous forme de NFTs, l’accès à des avantages hors plateforme pour les détenteurs de tokens ou encore des publications hébergées sur le permaweb d'Arweave, résistant à la censure.
Crowd Connect, un nouvel outil tricolore.
Et puis il y a Crowd Connect, le petit nouveau dont personne ou presque n’a - encore - entendu parler puisqu’il est en mode stealth. Développé par Polyphene, une start-up orientée blockchain qui développe également des applications à destination de grands groupes, d’institutions et du grand public, sa proposition de valeur est simple : faire le pont entre la newsletter et les autres plateformes qui vont enrichir l’expérience et créer de l’engagement. Ici, avec une simple brique de token-gating, c'est une nouvelle expérience qui se crée, fondée sur la newsletter mais véritablement multimédia et multicanale. Retrouver les mêmes membres, sur tous les canaux devrait ainsi permettre de créer une expérience de communauté.
Son avantage par rapport à Paragraph ? Une solution interopérable, quelle que soit la plateforme de publication initiale (Substack, Revue, etc.) et les outils d’animation de communauté (Discord, etc.) utilisés. “Notre service s'intègre aux stacks déjà utilisés par les éditeurs de newsletters pour leur permettre d'activer à la carte toute la richesse des interactions ouvertes par la tokenisation des communautés. En quelques clics, ils peuvent planifier le déclenchement d'événements et de privilèges - les token-gated perks - et mesurer en direct leur impact sur le niveau d'engagement de leur audience” résume Philippe Métais, son cofondateur.
"Chaque communauté dispose de ses propres modes d'interaction et d'engagement : tandis que les publics jeunes privilégient souvent des contenus visuels, d'autres valorisent plutôt l'organisation d'événements physiques ou encore un merchandising exclusif. L'enjeu est d'insuffler l'expérience du token au sein des habitudes pré-existantes des utilisateurs. Il revient à la tokenisation de s'introduire et d'augmenter les expériences, et non à chaque communauté de produire un effort supplémentaire" précise t-il.
“En rompant avec les modèles prédateurs et la captivité imposée par les plateformes qui ont marqué l'ère du capitalisme de surveillance – pour reprendre le concept développé par Shoshana Zuboff –, les tokens et protocoles Web3 offrent un support plus ouvert, plus horizontal. Dès lors, les lieux de création de valeur migrent vers le cœur-même des communautés d’où émergent de nouveaux centres de pouvoirs” souligne Philippe Métais.
Évidemment cela soulève encore de nombreuses questions : les lecteurs néophytes en Web3 franchiront-ils le pas de la création d’un wallet ? Faut-il y associer d’autres dimensions utilitaires pour renforcer la proposition de valeur ? Au-delà des créateurs, quelle place pour des newsletters de marque réinventées, optimisées et capables de transformer les audiences en communautés engagées ? Vous l’aurez compris, beaucoup de questions sont encore en suspens mais c’est clairement un format qui n’a pas dit son dernier mot.
Marie
Il y a quelques mois je vous parlais du “Weird-as-a-service”, aujourd’hui c’est le média Usbek Et Rica qui enfonce le clou avec cet article consacré aux “Mad skills”.
Web 3 (encore) : un réseau social pour les curateurs.
Gpt3