Dogwhistle. Ce terme, initialement associé au dressage canin, désigne désormais une pratique rhétorique subtile et souvent controversée en politique. Un dogwhistle - littéralement “sifflement pour chien” en français - fait référence à des messages codés, mots ou expressions qui, en apparence anodins, véhiculent pourtant des idées destinées à un public ciblé. À l'instar du “Je siffle, tu accours !”, ils se veulent agir comme des appels discrets mais efficaces envers un auditoire précis sans pour autant être clairement perçus par le grand public. Cette technique se rapproche quelque peu de l'astroturfing, une autre stratégie de communication qui vise à créer l'illusion d'un mouvement populaire spontané alors qu'il est en réalité orchestré et financé par des organisations ou des intérêts particuliers. À leur façon, tous deux influencent la perception publique : le dogwhistle par le biais de messages subliminaux, l'astroturfing en façonnant artificiellement l'opinion publique. Bref, l’art de la manipulation.
Dans ces réalités altérées, il y existe aussi certaines formes plus visibles, marketées par les communicants modernes pour nous remettre en “awe”. Selon l’agence VML (ex- Wunderman Thompson), nous serions en quête d’enchantement et d’émerveillement (pour ne pas dire d’échappatoire ?) : un besoin auquel répondent très bien les narratives post-réalité. Comme je l'évoquais la semaine dernière, le “suréel” se manifeste particulièrement à travers le concept du FOOH, le Fake Out Of Home. Ces créations vidéo hyper réalistes semblent faire partie de notre environnement extérieur mais n’existent pourtant qu’en ligne, fusionnant fiction et réalité pour redéfinir le récit visuel.
La richesse des narrations post-vérité ne s'arrête pas là. Prenons le “para-réel” où des objets banals se réinventent sous le flash de la caméra. Des exemples marquants incluent les produits de maquillage Unseen, la marque de parapluies Para ou encore les t-shirts Carlings qui, sous l'œil d'un smartphone, révèlent de nouveaux messages. Des créations en apparence ordinaires qui se transforment et s'animent de manière inattendue.
Mais au final, pourquoi tout ça ? Peut-être parce que le maître-mot de notre ère est celui de tout hacker. Tout est prétexte à être repoussé, revisité, réinventé. Dans cet univers du “toujours plus”, la post-ironie se révèle être une autre facette du phénomène en revêtant une forme évolutive qui dépasse son caractère sarcastique initial pour intégrer des nuances de sincérité et de réflexion plus profondes. La post-ironie ne se contente pas de la superficialité ; elle plonge dans les méandres du sens, explorant des couches de compréhension plus complexes. Cette approche, qui trouve son expression suprême dans l’explosion des memes, enrichit la construction des identités en ligne et joue un rôle crucial dans l'élaboration des dialogues virtuels.
Faisons-nous face à une érosion des narratives traditionnelles ? Peut-être bien alors que les techniques citées précédemment pourraient chercher à combler un désir de récits plus fluides, polyphoniques, capables de mieux capturer la diversité et la complexité du monde contemporain. Qu’on se le dise : jamais les communicants n’ont eu autant d’outils à disposition pour s’exprimer tout en nuances.
Reste cependant, pour les audiences, à savoir déceler la présence ou non de ces méta-messages ainsi que leur(s) sens. Et alors que le sujet pourrait nous faire basculer dans une paranoïa d’hyper-interprétations, voilà que TikTok, dans son infinie clairvoyance, voit croître les publications autour du hashtag “pronoia” et de sa douce mélodie. Imaginez un peu : un cosmos qui conspire en notre faveur. Inspirant, bien qu'illusoire ? Car alors que de nouvelles technologies viennent chaque jour alimenter un royaume de la post-vérité serti d'ambitions business, discerner le réel de l'illusoire revient de plus en plus à naviguer entre chien et... loup.
MD